Émilie Du Châtelet - An Essay On Heat - 1739 - #2

This is a plain text transcription of Dissertation sur la nature et la propagation du feu.

For introductory comments, please see Émilie du Châtelet - An Essay On Heat - 1739 - #1.


Transcription of part 1 follows below this page break.
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DISSERTATION
SUR LA NATURE
ET
LA PROPAGATION
DU FEU
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Ignea convexis vis, & sine pondere coeli
Emecuit, summâque locum sibi legit in arce.
Ovid.
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A PARIS,
Chez Prault, Fils, Quai de Conti, vis la descente du Pont-Neuf, à la charité.
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M. DCC. XLIV.
Avec Approbation & Privilege du Roi.

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AVIS DU LIBRAIRE.

Cette Dissertation sur le Feu, a été composée en 1738. pour le Prix de I'Academie des Sciences; elle n'eua point le Prix, mais I'Academie la fit imprimer avec les pieces couronnées, une autre piece, qui de même que celle-ci fut jugée digne de trouver place dans les recuëils de I'Academie.

    Il est dit dans l'Avertissement, qui se trouve à la tête de ces deux pieces, que I'Academie se détermina à les faire imprimer , sur le témoignage que lui rendirent les Commisaires du Prix, que quoiqu'ils n'eussent pû approuver l'idée qu'on donne de la nature du feu , en chacune de ces pieces elles leur avoient paru être des meilleures de celles qui avoient été envoyées, en ce qu'elles supposent une grande lecture, & une grande connoissance des bons ouvrages de Physique ,&  qu'elles sont remplies de beaucoups

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  AVIS DU LIBRAIRE.

de faits, très-bien exposés , & de beaucoup de vuës.

    Comme on tire peu d'exemplaires des pieces des Prix, & que ces exemplaires sont presque tous distribués entre les Academiciens , j'ai crû fair plaisir au Public, de lui donner cette dissertation , dans la même forme que les Institutions Physiques du même Auteur; j'y ai joint la Lettre que M. de Mairan lui écrivit en 1741, au sujet des forces vives, & la réponse de l'Auteur, qui m'a donné le reste de l'édition qu'elle fit faire de sa réponse à Bruxelles où elle étoit alors : ces sortes de disputes dans lesquelles on ne cherche réciproquement qu'à s'instruire, sont plus capables qu'aucune autre sorte d'Ouvrages, de contribuer au progrès de la Philosophie.

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   DISSERTATION

  SUR LA NATURE

ET LA PROPAGATION

         DU FEU.
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 PREMIERE PARTIE.
 De la Nature du Feu.

{Combien il est dificile de définir le feu.}

    Le Feu se manifeste à nous par des Phénomenes si différents, qu'il est presqu'aussi difficile de définir par ses effets, que de connoître entiérement sa nature : il échappe à tout moment aux prises de notre esprit,

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quoiqu'il soit au-dedans de nous-mêmes, & dans tous les corps qui nous environnent.

                     I.

  Que le feu n'est pas toûjours chaud et lumineux.

    La chaleur & la lumiére sont de tous les effets du Feu ceux qui frappent le plus nos sens ; ainsi c'est à ces deux signes qu'on a coûtume de le reconnoître , mais en faisant une attention un peu réfléchie aux phénomenes de La Nature, il semble qu'on peut douter si le Feu n'opére point sur les corps quelque effet plus universel, par lequel il puisse être défini.
    On ne doit jamais conclure du particulier au général, ainsi quoique la chaleur & la lumiére soient souvent réunies, il ne s'ensuit pas qu'elles le soient toûjours ; ce sont deux effets de l'être que nous appellons Feu, mais ces deux propriétés * , de luire &d'échauffer, constituent-elles son essence? en peut-


  * Je me fers ici indifféremment des mots de modes &de proprieté, pour éviter le retour trop fréquent du même mot, car en rigueur , puisque le feu n'est pas toûjours chaud & lumineux , la chaleur &la lumiére sont des modes &non pas des proprietés de l'être que nous appellons Feu.

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    {Si le Feu est toûjours chaud & lumineux.}

il être dépouillé ? le Feu enfin est-il toûjours chaud & lumineux ?
    Plusieurs expériences décident pour la négative.

    {Lumeire sans chaleur dans les rayons de la Lune.}

    1°. Il y a des corps qui nous donnent une grande lumeire sans chaleur : tels sont les rayons de la Lune, réunis au foyer d'un verre ardent (ce qui fait voir en passant l'absurdité de l'Astrologie, ) on me peut dire que c'est à cause du peu de rayons que La Lune nous renvoye ; car ces rayons sont plus épais, plus denses , réunis dans le foyer d'un verre ardent, que ceux qui sortent d'une bougie ; & cependant non seulement cette bougie , mais même la plus petite étincelle nous brûle a la même distance a laquelle les rayons de la Lune réunis dans ce foyer ne sont aucan effet sur nous .
    Ce n'est point non plus parce que ces rayons sont réfléchis, car les rayons du Soleil réfléchis par un miroir plan,&renvoyés sur un miroir concave, sont, a peu de chose près, les mêmes effets que lorsque le miroir concave les reçoit directement.
    Ce ne peut être enfin à cause de l'espace qu'ils parcourent de la Lune ici, 90000

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lieuës de plus ne pouvant faire perdre aux rayons un vertu qu'ils conservent pendant 33 millions de lieuës ; peut-être cet effet doit-il être attribué à la nature particuliére du corps de La Lune & peut-être les Satellites de Jupiter & de Saturne donnent-ils quelque chaleur à ces PLunetes, quoique notre Lune ne nous en donne point.
    Les rayons échauffent d'autant moins que l'on monte plus au-dessus de l'Atmosphere, quoiqu'ils y donnent la même lumiére que pres de la surface de la Terre ; cependant ils sont plus purs en haut où l'Atmosphere est plus leger: donc la chaleur n'est pas essentielle au Feu élémentaire.

    {L'eau n'éteint point les Vers luisans.}

    Les Dails & les Vers luisans sont lumineux sans donner aucune chaleur, & l'eau n'éteint point leur lumiére. M. de Réaumur rapporte même que l'eau fait revivre la lumiére des Dails, loin de l'éteindre ; je l'ai vérifié sur des Vers luisans, j'en ai plongé dans de l'eau très-froide, & leur lumiére n'a point été alterée.
    Il sembleroit par ces expériences que I'eau n'a d'action que sur la propriété du Feu que nous appellons chaleur, puisqu'elle détruit la

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chaleur, & n'altere point la lumiére, lorsque la propriété d'éclairer est separée de celle d'échauffer.

    {Chaleur sans lumiére dans le fer prêt a s'enflammer.}

    2°.  Il y a des corps qui brüleroient la main qui s'en approcheroit, & qui ne donnent aucune lumiére : tel est le fer prêt à s'enflammer: donc le Feu peut être privé de la lumiére comme de la chaleur.
    Ainsi la chaleur & la lumiére paroissent être au Feu ce que le mode est à la substance ; la lumiére n'étant autre chose que le Feu transmis en ligne droite jusqu'à nos yeux, & la chaleur, l'agitation en tout sens que ce même Feu excite en nous quand il s'insinue dans nos pores.

    {Differente propagation de la lumiére & de la chaleur.}

    3°.  La chaleur & la lumiére se propagent différemment ; la lumiére agit toûjours en ligne droite, & la chaleur s'insinuë dans les corps selon toutes fortes de directions : de plus, la vîtesse de la lumiére est infiniment plus grande que celle de la chaleur, mais on ne peut assigner en quelle proportion, car il faudroit connoîttre les differens degrés de vîtesse avec laquelle le Feu pénétre dans les differents corps : ce qui est très-difficile.

    {Autre difference entre la lumiére & la chaleur.}

    4°. Une autre difference très-remarquable

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entre la chaleur & la lumiére, c'est qu'un corps petit perdre sa lumiére en un instant, mais il ne perd jamais sa chaleur que successivement ; cette différence est une suite de la façon dont la chaleur & la lumiére agissent ; car pour faire périr la lumiére , il suffit d'interrompre la direction du Feu en ligne droite; mais puisqu'il faut, pour exciter la chaleur, qu'il pénétre les corps en tout sens, cette action doit être plus difficile à arrêter ; ainsi si vous couvrez le miroir ardent d'un voile, la lumiére disparoît dans le moment a son foyer, & cependant un corps solide qu'on y auroit exposé, conserveroit encore longtemps après, la chaleur qu'il y auroit acquise ,  c'est encore pourquoi les corps se refroidissent lentement dans le vuide de boyle, quoiqu'ils s'y éteignent très-promptement.

    {Sentiment de Descartes sur la chaleur & la lumiére.}

    5°. Si on vouloit s'appuyer de l'autorité, on diroit que Descartes composoit la lumiére de son second élément, & le Feu de son premier; il ne donne à la vérité aucune raison de cette idée, & je ne prétends pas l'examiner ici, mais elle ne pouvoit être fondée que sur ce que ce grand homme pensoit que la lumiére & la chaleur étoient deux

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modes de l'être que nous appellons Feu.
    6°. La lumiére & la chaleur sont les objets de deux de nos sens, le tact & la vûë , & par cette raison même elles ne paroissent point propres à constituer l'essence d'un être aussi universel que le Feu. Ce sont des sensations, des modifications de notre ame, qui semblent dépendre de notre existence, & de la fàçon dont nous existons ; car un aveugle définira le Feu ce qui échauffe , & un homme privé du tact universel , ce qui éclaire. Ils auront donc tous deux des idées différentes d'un même être, & celui qui seroit privé de ces deux sens, n'en auroit aucune. Or je suppose qu'il ait plû a Dieu de creér dans Sirius, par exemple, un globe dont les êtres n'ayent aucun de nos sens (& il est très-possible que dans l'immensité de l'Univers il y ait de tels êtres) le Feu ne seroit certainement ni chaud , ni lumineux dans ce globe , & cependant il n'y seroit pas anéanti ; il paroît donc qu'il faut chercher dans le Feu quelque effet plus universel, & dont l'existence ne dépende point de nos sens.

    {Combien nos sens nous trompent sur la chaleur.}

    7°. La nécessité d'un tel signe pour nous faire juger avec certitude de la présence du

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Feu, paroît avec evidence par la façon dont nos sens nous sont juger de la chaleur des corps, car un même corps nous paroît d'une température différente, selon la disposition ou nous trouvons ; ainsi lorsqu'on touche un corps avec les deux mains, dont l'une fort de l'eau froide, & l'autre de l'eau chaude, ce corps paroît froid & chaud en même tems. Les alterations qui arrivent à notre santé, changent encore pour nous la chaleur des corps ; un homme dans l'ardeur de la fiévre trouvera froid le même corps qui, dans le frisson, lui avoit paru chaud : donc la chaleur que les corps nous sont éprouver, ne peut nous faire juger avec certitude , du Feu qu'ils contiennent.

              I I.

    Quel est l'effet le plus universel du Feu.

    Quel est donc l'effet le plus universel du Feu ?  à quel signe pourrons-nous le reconnoître ?  je dis le reconnoître en Philosophes, car il est deux façons de connoître les  corps, & ceux qui étudient la Nature la voyent d'un autre oeil que le vulgaire.

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    {L'effet le plus universel du Feu, c'est d'augmenter le volume de tous le corps.}

    Ce signe certain de la présence du Feu, cet effet qu'il produit dans tous les corps, qu'on voit , qu'on touche, & qu'on mesure, qui s'opere dans le vuide avec la même facilité que dans l'air, c'est d'augmenter le volume des corps avant d'avoir enleve leurs parties, de les étendre dans toutes leurs dimensions, & de les séparer jusques dans leurs principes lorsque son action est continuée ; cet effet ne depend point de la lumiére & de la chaleur du Feu, car l'air est très-raréfié sur le haut des Montagnes où la chaleur est insensible,

    {Rarefaction sans chaleur,}

& cette raréfaction de l'air qui est beaucoup plus grande au somet des Montagnes que ne la donne la raison inverse des poids, doit être attribuée en partie Fau eu, qui, à cette hauteur raréfie l'air sans l'echauffer sensiblement.
    L'eau qui bout à 212 degrés environ du Thermometre de Mercure, & qui passé cela n'acquiert plus aucune chaleur par le Feu le plus violent, s'évapore cependant à force de bouillir : or elle ne peut s'évaporer que sa raréfaction n'augmente, & que ses parties ne s'écartent de plus en plus les unes des autres.

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    {Et sans lumiére.}

    Enfin une bougie que vous éteignez, & qui cesse d'éclairer, s'évapore, & se raréfie encore par la fumée qu'elle rend,donc la raréfaction ne depend ni de la lumiere, ni de la chaleur du Feu , puisqu'elle subsiste dans les corps que le Feu pénétre indépendamment de leur chaleur, & de leur lumiere.
    Il est vrai que la chaleur & la lumiére du Feu ont dû être connues bien long-tems avant qu'on se doutât de sa raréfaction : mais presque toutes les idées des hommes n'ont-elles pas besoin d'être réformées par leur raison ?  La forme & le mouvement de la matiere , par exemple , ont été connues bien longtems avant son impénétrabilité, & personne cependant n'en concluëra que le mouvement & une certaine forme soient aussi inséperables de la matiere , que l'impénétrabilité.
    On peut cependant faire plusieurs objections contre cette définition, qui fait de la raréfaction la propriété distinctive du Feu.

    {Objections contre la raréfaction universelle du Feu, & résponses à ces objections.}

    1°.  On peut dire que la raréfaction que le Feu opére , ne se manifeste pas toujours à nous.
    Mais il est de la nature du Feu que cela soit ainsi, le Feu est également répandu dans tous les corps (comme je le prouverai dans

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la suite) ainsi nous ne pouvons nous appercevoir de ses effets quand ils sont les mêmes par - tout ; il nous faut des différences pour être notre criterium, & pour nous conduire dans nos jugemens. Ainsi nous n'avons point de signe pour connoître le Feu lorsqu'il est renfermé entre les pores des corps, il y est comme l'air qu'ils contiennent tous, & qui ne se découvre à nous que lorsque quelque cause le dégage.
    2°.  Le Feu , dira-t-on, raréfie les corps en augmentant leur chaleur.
    Cela est vrai en général, mais je ne crois pas qu'on puisse en conclure que la chaleur soit la cause de la raréfaction, car je viens de faire voir par l'exemple de l'eau qui bout, qu'il y a des circonstances dans lesquelles la raréfaction augmente encore, quoique la chaleur n'augmente plus ; or puisque la chaleur n'accompagne pas toujours la raréfaction , il faut convenir que la raréfaction ne depend point de la chaleur.
    3°. On dira peut-être que l'air & l'eau augmentent aussi le volume des corps, & qu'ainsi on ne peut faire de la raréfaction la propriété distinctive du Feu.

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    On ne peut nier que l'air & l'eau ne fassent cet effet sur les corps ;  mais en augmentant leur volume , ils ne les séparent pas jusques dans leurs parties constituantes, ils ne les sont point s'évaporer, se quitter les unes les autres, comme le Feu, ainsi l'espece de raréfaction qu'ils opérent quelquefois dans les corps, est essentiellement différente de celle qui y est opérée par le feu ; peut-être même , cette espéce de raréfaction que l'air & l'eau opérent , est-elle causée par le Feu lui-même , car c'est par le mouvement que l'air & l'eau pénétrent dans les corps, & le mouvement interne des corps ne leur vient vraisemblablement que du Feu qu'ils contiennent.
   L'eau glacée augmente à la vérité son volume, & furnage l'eau liquide, quoiqu'elle contienne beaucoup moins de Feu lorsqu'elle est glacée que lorsqu'elle est dans son état de fluidité, mais ce phénomene doit être attribué à une cause particuliére, dont je parlerai dans la seconde Partie de cet ouvrage.
    4°.  On peut dire encore que le Feu ne raréfie pas tous les corps, que la corne, la crotte & beaucoup d'autres corps

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s'endurcissent an Feu, y diminuent lc volume : or ces
effets sont précisément le contraire de la raréfaction, donc la raréfaction ne peut être la propriété universelle du Feu, puisqu'il y a des corps dans lesquels il produit des effets tout opposés.
  Cette objection tombera d'elle-même , si on fait réfléxion ,que le Feu n'endurcit ces corps, & ne les réduit sous un plus petit volume , que parce qu'il les a réellement raréfies, parce qu'il a fait évaporer l'eau qui étoit entre leurs parties, & qu'alors les parties qui ont résistés à son action, sont d'autant plus compactes, occupent d'autant moins de volume, que le Feu a enlevé plus de matiére aqueuse d'entre leurs pores.
    5°. Enfin, on peut objecter que les rayons de la Lune qui sont du Feu, ne raréfient point les corps qu'on leur expose. Mais les bornes de nos sens sont si étroites, qu'il ne nous cit guéres permis de rien affirmer fur leur rapport, aonsi quoique les rayons de la Lune, quelque rassemblés qu'ils soient, ne fassent aucun effet sur le Thermometre, nou ne pouvons paz en conclurre qu'ils sont entierement privés du pouvoir de rarefier , nous

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sommes certains seulement qu'ils sont incapables d'exciter en nous la sensation que nous avons appellé chaleur , mais peut-être inventera-t-on quelqu'instrument assez fin pour nous découvrir aussi dans les rayons de la Lune ce pouvoir raréfactif qui paroît inséparable du Fen.

    {La raréfacion des corps par le Feu, paroît une des loix de la Nature}

   La raréfacion que le feu opére sur tous les corps qu'il pénétre, paroît être une des loix primitives de la Nature , un des ressorts du Créateur, & la fin pour laquelle le Feu a été créé; sans cette proptiété du Feu tout feroit compact dans la Nature ; toute fluidité, & peut-être toute élasticité vient du Feu , & sans cet agent universel, sans ce souffle de vie que Dieu a répandu sur son ouvrage, la Nature languiroit dans le repos, & l'Univers ne pourroit subsister un moment tel qu'il est.
   Ainsi loin que le mouvement soit la cause du Feu, comme quelques Philosophes l'ont pensé, le Feu est au contraire la cause du mouvement interne dans lequel sont les parties de tous les corps.
   C'est ici le lieu d'examiner les raisons qui prouvent que le Feu n'est pas le résultat du mouvement.

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    I I I.

     Si le mouvement produit le Feu.

     {Le mouvement ne produit point le Feu.}

    1°. Si le Feu étoit le résultat du mouvement, tout mouvement violent produiroit du feu, mais des vents très-forts, comme le vent d'Est ou du Nord, loin de produire l'inflammation de l'air & de l'atmosphere qu'ils agitent, produisent au contraire un froid dont toute la Nature se ressent, & qui est souvent funeste aux animaux, & aux biens de la terre.
    2°. Nous avons dans la Chimie des fermentations qui sont baisser le Thermometre, il est vrai que dans ces fermentations, les parties ignées s'évaporent, puisque la vapeur que le mêlange éxhale est chaude, ainsi ces fermentations mêmes sont causées par le Feu qui se retire des pores des liqueurs, mais il n'en est pas moins vrai que la quantité de Feu est diminuée dans les corps qui fermentent, & dont les parties sont cependant dans un mouvement très - violent : donc le mouvement de ces liqueurs les a privé du Feu qu'elles contenoient, loin d'en avoir produit.

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    Enfin dans ces fermentations, le mélange se coagule dans quelques endroits, ce qui prouve ce que j'ai dit ci-dessus, que sans le Feu tout feroit compact dans la nature.
    3°.  Les rayons de la Lune, qui sont dans un très-grand mouvement, ne donnent aucune chaleur.

    {Tentamina Florentina.}

    4°. Un mélange de Sel ammoniac & d'huile de Vitriol produit une fermentation qui fait baisser le Thermometre, mais si on y jette quelques goutes d'Esprit de Vin, l'effervescence cesse, & le mêlange s'échauffe, & fait alors hausser le Thermometre.Voilà donc un cas dans lequel le mouvement étant diminué, la chaleur a augmenté : donc le mouvement ne produit point le Feu.

    l V.

Si le Feu a toutes les proprietés de la matiere?

  Mais quel est cet être que nous appellons Feu ? a-t-il toutes les propriétés de la matiére ? Voilà ce que La sagacité des Boyle, des Musschenbroek, des Boërhaave, des Homberg, des Lémery, des s'Gravesande, &c. n'a pû encore décider.

  Non nostrum inter vos tantas componere lites.

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    Il semble qu'une vérité que tant d'habiles physiciens n'ont pû découvrir, ne soit pas faite pour l'humanité. Quand il s'agit des premiers principes, il n'y a guéres que des conjectures & des vrai-semblances qui nous soient permises. Le Feu paroît être un des ressorts du Créateur , mais ce ressort est si fin qu'il nous échappe.

    {Le Feu est étendu, divisible, &c.}

    Nous voyons clairement dans le Feu quelques-unes des propriétés de la matiere, l'extension, la divisibilité, &c.  Il n'en est pas de même de l'impénétrabilité & de la tendance vers un centre, on peut très - bien douter si le Feu possede ces deux propriétés de la matiére.
    Toutes ces propriétés que nous appercevons dans la matiére n'étant que des phénomenes *, il n'y a aucune contradiction à supposer qu'il y ait des composés dans lesquels ces phénomenes ne se développent pas; car on ne peut nier que les êtres simples de l'assemblage desquels tous ks êtres sensibles résultent, pourroient être combinês de

    * On sent aisément qu'on suppose ici les principes
de la Philosophie Leibnitiene.

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    {Mais il n'est peut-être ni grave, ni impénétrable.}

façon qu'il ne résulteroit de leur union aucun des phénomenes que nous regardons comme des propriétés inséparables de l'être qu'on nomme matiére, c'est donc à l'experience à nous apprendre si le Feu est grave & impénétrable.

    V.

    Le Feu est-il impénétrable ?

    {Raisons qui peuvent faire douter de l'impénétrabilité du Feu.}

    Il paroît également difficile de nier & d'admettre cette propriété dans le Feu: voici quelques-unes des raisons qui peuvent faire douter de son impénétrabilité.
    1°.  Nous voyons à travers un trou fait dans une carte par une épingle, la quatriéme partie du ciel, & tous les objets qui sont entre l'horison & nous dans cet espace: or nous ne pouvons voir un objet que chaque point visible de cet objet n'envoye des rayons à nos yeux, ainsi la quantité prodigieuse de rayons qui passent à travers ce trou d'épingle, & qui s'y, croisent sans le confondre, & sans apporter aucune confusion dans notre vûë, étonne l' imagination, & l'on est bien tenté de croire qu'un être qui paroît se

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 pencer si facilement, n'est point impénétrable.
    2°. Le Feu le plus puissant que les hommes ayent rassemblé jusqu à présent, c'est celui du foyer du grand miroir du Palais Royal, ou du miroir de Lyon, & cependant on voit le plus petit objet discernable à travers le cône lumineux qui va fondre l'Or dans ce foyer, sans que cette épaisseur de rayons qui est entre l'objet & l'oeil, affoiblisse en rien l'image de cet objet.
    3°. Une bougie porte sa lumiére dans une sphere d'une demie-lieuë de rayon ; or de quelle petitesse incroyable les particules qui éclairent tout cet espace doivent-elles être, puisqu'elles sont toutes contenuës dans cette bougie ? il est difficile de les y concevoir si elles ne se pénétrent pa.
    4°. M. Newton a démontré aux yeux & à l'esprit, que les couleurs ne sont autre chose que les différens rayons colorés * ; il faut donc, pour que nous voyions les objets, que chaque rayon élémentaire se croise en

    * Le Lecteur comprendra sans doute que j'entens  par rayon coloré le rayon qui a le pouvoir d'exciter en  nous la sensation de telle couleur.

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passant dans la prunelle , sans jamais se confondre, & sans que le rayon bleu prenne la place du verd, ni le rouge celle de l'indigo, &c. ce qui paroît presque impossible, si les rayons sont impénétrables.
    5°.  Le Verre qui transmet la lumiére, a bien moins de pores que la Mousseline qui la réfléchit presque entiérement. Les pores du papier huilé qui transmettent les rayons, sont bien moins grands que ceux du papier sec à travers lesquels ils ne trouvent point de passage : donc ce n'est point la grandeur, ni la quantité des pores d'un corps qui le rendent perméable à la lumiére , puisque le moyen de rendre les corps transparens, c'est de remplir leurs pores : donc il est bien vraisemblable que le Feu n'est point impénétrable, puisqu'il pénétre les corps indépendamment de leurs pores.
    Mais ces raisons qui peuvent faire douter de l'impénétrablite du Feu, se trouvent combatuës par d'autres raisons très-fortes.

    {Raisons en faveur de l'impénétrablite du Feu.}

    1°.  Les rayons du Soleil sont changer de direction à la fumée, & réunis par un verre ardent, ils fondent l'Or & les Pierres, & sont faire des vibrations a un ressort de

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Montre que l'on a placé a moité d'étendu dans le foyer de ce verre ; or on ne voit pas comment il feroit possible que le Feu agît sur les corps, ni comment il pourrroit faire faire (sic) des vibrations à ce ressort de Montre, s'il ne résistoit à l'effort que sont ces corps pour s'opposer a son action.
    On peut répondre que l'ame n'est pas impénétrable, & qu'elle fait cependant remuer notre corps qui est composé de parties qui résistent.  Et qu'enfin tout ce qui agis sur les corps, n'est pas corps , puisque Dieu certainement n'est pas matiere, & qu'il agit cependant sur la matiére.
    2°. Les rayons se réfléchissent de dessus les corps pour venir à nos yeux, or La réfléxion emporte nécessairement l'élasticité du corps qui réfléchit : donc, puisque les rayons réfléchissent, il faut qu'ils soient composés de parties résistantes.
    Mais on peut répondre encore que M. Newton fait voir que ce n'est point en rebondissant de dessus les parties solides des corps, que la lumiére se réfléchit, & que par conséquent la réfléxion a la lumiére ne prouve point l'impénétrabilité du Feu , que

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même ce phénomene de la réfléxion pourroit faire croire que la lumiére n'est point impénétrable ; car comment le rayon perpendiculaire retournera-t-il après la réflèxion, par la ligne selon laquelle il est tombè, si dans cette ligne il rencontre une continuation de lui-même, qui lui résistera par ses parties solides, & l'empêche par conséquent de retourner par la ligne déja décrite?  Si on dit que ce rayon ne décrira pas tout-à-fait la même ligne, mais qu'il se détournera un peu, outre que ce seroit détruire un axiome d'Optique, qui passe pour incontestable, je demande quelle seroit la raison de cette déclinaison du rayon, & ce qui le détermineroit à décliner plûtôt à gauche qu'à droite?  Si l'on me répond enfin , que l'extrême porosité que le Microscope découvre dans les corps soumis à nos recherches, nous porte à croire que la ténuité des parties constituantes du Feu peut sussire pour opérer la réfléxion du rayon perpendiculaire , & tous les phénoménes de la lumiére qui étonnent le plus notre esprit, & qui pourroient nous faire douter de l'impénétrabilité du Feu : je demande comment on peut concevoir qu'un

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rayon composé d'un million de pores qui séparent ses parties solides, puisse venir du Soleil à nous en ligne droite, sans être interrompu & sans se confondre avec des milliasses d'autres rayons de différentes couleurs qui émanent en même tems que lui du Soleil ?
    On est donc oblige d'avouer qu'on peut avec quelque fondement regarder l'impénétrabilité du Feu comme douteuse.

    V I.

    Le Feu tend-il vers le centre de la Terre?

    Les Philosophes conviendront sans doute qu'il peut y avoir plusieurs corps qui ne tendent point vers le centre de la terre, telle doit être par exemple la matiere qul fait la pesanteur, & qui chaffe les corps vers le centre de la terre; voyons donc si le Feu est dans le mème cas, ou bien s'il tend vers la terre comme les autres corps.
    C'est encore à l'experience, ce grand maître de Philosophie, à nous apprendre si le Feu a cette propriété.
    Je me contenterai d'examiner ici l'expérience de M. Homberg sur le poids du

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régule d'Antimoine calciné au Verre ardent, & celle de M. Boërhaave sur le poids du Fer enflammé.
    M. Homberg rapporte que 4 onces de régule d'Antimoine exposées à un pied & demi du véritable foyer du miroir du Palais Royal, augmentérent de 3 dragmes, & de quelques grains pendant leur calcination, c'est-à-dire, environ d'un dixiéme; mais qu'ayant été mises ensuite en fusion au véritable foyer, elles perdirent ce dixiéme acquis, & un huitiéme de leur propre poids.
    M. Boërhaave, an contraire, ayant pesé 8 livres de Fer, ne trouva aucune différence de poids entre ce Fer enflammé & ce Fer absolument froid.
    Il y a plusieurs remarques à faire sur ces deux expériences.

    {Examen de l'expérience de M. Homberg, sur le poids de l'antimoine calcine au verrefies.}

    1°. Pendant tout le tems de la calcination de l'Antimoine de M. Homberg, on fut obligé de le remuer avec une spatule de fer : or il est très-possible que la chaleur ait détaché quelques particules de cet instrument, lesquelles s'étant jointes au régule , auront augmenté son poids. Les sels & les souffres dont l'air est toujours chargé, auront pû

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s'unir aussi à l'Antimoine par l'action du feu, & à la faveur de ce mouvement continuel de la spatule avec laquelle on le remuoit ; ainsi on est bien loin d'être sûr que ce soit le feu qui ait augmenté son poids, car si le feu est le plus subtil dissolvant de la Nature, il est ausi le plus puissant agent pour unir les corps.
    2°. Ce qui confirme cette conjecture, c'est que les corps qui augmentent le plus leur poids par le Feu, sont ceux qu'on remuë pendant leur calcination , & qu'ils perdent tout le poids acquis, & même de leur propre substance , lorsqu'on les remet en fusion. Boyle lui - même, convient que l'agitation continuelle pendant la calcination , est ce qui contribue le plus à augmenter l'action du Feu sur les corps.
    3°.  L'Antimoine de M. Homberg ayant été mis en fusion au véritable foyer, perdit tout le poids acquis , & encore tan huitiéme de son propre poids : or si des particules de Feu avoient augmenté son propre poids dans la calcination, comment se pourroit-il qu'il eut perdu ce poids au véritable foyer ? un nouveau Feu n'auroit-il pas dû produire au

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contraire une nouvelle augmentation, & puisque le poids de l'Antimoine diminua dans la fusion, au lieu d'augmenter, n'est-il pas vrai-semblable que le Feu du foyer étant plus violent que celui auquel on l'avoit calciné, sépara les parties hétérogenes qui s'etoient unies au régule d'Antimoine, & qui avoient augmenté son poids pendant la calcination.
    4°. Tous les Métaux en fusion, perdent de leur poids, & cependant la fusion est l'état dans lequel ils reçoivent la plus grande quantité de feu ; ainsi  si le Feu augmentoit le poids des corps, il devroit augmenter considérablement celui des métaux en fusion, mais au contraire leur poids diminue, il est donc certain que la plus grande quantité de Feu que ces métaux puissent recevoir, n'augmente point leur poids.
    On sent aisément que la diminution de poids des métaux en fonte doit être attribuée aux parties que ce Feu violent fait évaporer d'entre leurs pores, & a l'augmentation de leur volume.

    {Examen & confirmation de l'experience de M. Boërhaave sur le poids du fer enflammé.}

    5°. Le Fer de M. Boërhaave pendant qu'il étoit tout pétillant de feu, devoit contenir bien plus de particules ignées, que

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l'Antimoine de M. Homberg, qui avoit été calciné à 18 pouces du véritable foyer du miroir, & cependant ce Fer tout imprégné de Feu ne pesoit pas un grain de plus que lorsqu'il étoit entiérement froid. Je ne vois cependant aucune raison pour laquelle si le Feu étoit pesant, il a'augmenteroit pas toujours le poids des corps qu'il pénétre, je puis certifier que cette égalité de poids s'est retrouvée dans des masses de Fer depuis une livre jusqu'à 2000 livres, que j'ai fait peser devant rnoi toutes enflammées, & ensuite entiérement froides.

    {Autres expériences sur la pesanteur du feu.}

    6°. L'augmentation du poids des corps calcinés à travers le verre, est beaucoup moins considerable que celle des corps que l'on calcine en plein air, cependant la même quantité de feu pénétre à travers le verre, puisqu'il produit le même effet sur ces corps, & qu'il les calcine; d'où peut donc venir cette différente augmentation de poids, lorsque la calcination se fait en plein air, ou lorsqu'elle se fait sous le verre, sinon de ce qu'il se joint alors moins de corps étrangers au corps calciné?
    7°.  L'Antimoine devient rouge dans la

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  calcination, & lorsqu'on le met en digestion dans de l'Esprit de Vin , il rend une teinture rougeâtre, & se trouve après du même poids qu'avant la calcination: donc cette couleur rougeâtre lui étoit venue des parties sulfureuses que le Feu lui avoit unies pendant la calcination , puisqu'après s'être déchargé de cette teinture, il se trouve du même poids qu'il avoit avant d'être calciné.
    8°. M. Boyle est un des Philosophes qui a fait le plus d'expériences sur la pesanteur du Feu, & toutes concourent à établir.
    Cependant ton Traité De Flamme ponderabilitate, ne prouve autre chose sinon que la flamme pese, & que ses parties pénétrent travers les pores du verre, mais aucune de ses expériences ne prouve la pesanteur des parties élémentaires du Feu.
    9°.  Le même Boyle rapporte* qu'une once de corne de cerf perdit au Feu six ou sept grains de son poids, & qu'une once de Zinc** en perdit cinq grains, & plus, par l'action du Feu.

    {* Page 3.  ** Page 39.}

    10°. Du Charbon enfermé hermétiquement dans une boîte de Fer, & exposé

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pendant quatre heures à un Feu très-violent, a diminué de 4 onces environ sur 4 livres, & j'ai été témoin de cette experience.
    11°.  M. Bolduc assûre que l'Antimoine calciné dans un vase de terre, diminue de poids, bien loin d'augmenter.
    12°.  M. Hartsoëker, de son côté, ayant tenu de l'Etain pendant des heures entiéres, & du Plomb pendant plusieurs jours de suite dans le foyer d'un Verre ardent, ne trouva aucune augmentation dans le poids de ces métaux.
    13°.  Le célébre Boërhaave rapporte qu'ayant tenu du Plomb dans un Fourneau de digestion pendant trois ans, à un Feu de 84 degrés, & l'ayant exposé pendant quatre heures au feu de sable, le Plomb n'augmenta nullement de poids ; cependant si les expériences varient, c'est une preuve certaine que ce n'esr point le Feu qui augmente le poids des corps, car s'il l'augmentoit une fois, il l'augmenteroit toujours.  Mais si l'on attribue cette augmentation lorsqu'on en trouve, à l'intromission de quelques parties hétérogenes dans les pores des corps que l'on expose an Feu , on conçoit aisément que les

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différentes circonstances de l'opération peuvent changer ces effets; voilà pourquoi de toutes les expériences répétées sur le poids des corps exposés au Feu, aucune n'est entiérement la même. L'augmentation que le même Feu cause dans les corps est tantôt plus grande, tantôt moindre, comme on peut s'en convaincre en lisant les expériences de Boyle, ou en opérant soi même ; ce qui prouve bien que ce n'est pas à une cause aussi invariable que le Feu, qu'il faut attribuer l'augmentation du poids des corps.
    L'expérience de M. Homberg que je viens d'examiner , fournit elle-même une preuve qu'on ne doit point atrribuer au Feu l'augmentation de poids qu'on remarque dans les corps qu'on lui expose ; car il trouva dans cette expérience le poids de l'Antimoine augmenté d'un dixiéme.
    Or en supposant l'émission de la lumiére, tout le Feu que le Soleil envoye sur notre hémisphere pendant une heure du jour le plus chaud de l'Eté, doit peser à peine ce que M. Homberg suppose qu'il en étoit entré dans son régule d'Antimoine : en voici, si je ne me trompe , le démonstration.

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    On connoît la vîtesse des rayons du Soleil depuis les observations que Mrs. Huguens & Roëmer ont faites sur les Eclipses des Satellites de Jupiter ; cette vîtesse est environ de 7 à 8 minutes pour venir du Soleil à nous : or, on trouve que si le Soleil est à 24000 demi-diametres de la Terre, il s'ensuit que la lumiére parcourt en venant de cet Astre à nous, mille millions de pieds par seconde en nombres ronds ; & un Boulet de Canon d'une livre de balle poussé par une demi livre de Poudre, ne fait que 6oo pieds en une seconde, ainsi la rapidité des rayons du Soleil surpasse en nombres ronds 1666600 fois celle d'un boulet d'une livre.
    Mais l'effet de la force des corps étant le produit de leur masse par le quarré de leur vîtesse, un rayon qui ne seroit que la 1/2777555560000 partie d'un boulet d'une livre seroit le rnême effet que le Canon, & un seul instant de lumiére détruiroit tout l'Univers ; or je ne crois pas que nous ayons de minimum pour assigner l'extrême ténuité d'un corps qui n'étant que La 1 / 2777555560000 partie d'un boulet d'une livre seroit de si terribles effets, & dont des millions de milliars

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passent à travers un trou d'épingle , pénétrent dans les pores d'un Diamant, & frappent sans cesse l'organe le plus délicat de notre corps sans le blesser,& même sans le faire sentir.
    14°.  L'expérience du trou d'épingle (qu'on trouveroit bien admirable, si elle étoit moins commune ) fournit elle seule une démonstration de l'excessive ténuité des rayons; car regardez à travers ce trou pendant un jour entier, vous verrez toujours les mêmes objets, & aussi distinctement : donc il vient à chaque moment indivisible, des rayons de tous les points de ces objets, frapper votre rétine : or il faut de deux choses l'une, ou que ce ne soient pas les rayons du Soleil qui ayent augmenté le poids de l'Antimoine de M. Homberg, ou qu'il entrât pendant ce jour dans vos yeux plusieurs onces de Feu, puisqu'il y entreroit plus de rayons qu'il n'en pouvoit être éntré dans le régule d'Antimoine pendant sa calcinatione.  Mais s'il entroit cette quantité de Feu dans nos yeux en un jour, combien y en entreroit-il en une semaine, en un mois, &c. que deviendroit cette matiere ignée, si elle étoit pesante?

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Je crois donc qu'il est démontré en rigueur, par la façon dont nous voyons , par les phénomenes de la lumiére, & par les loix primitives du choc des corps, que (supposé que le Feu pese ) nous ne pouvons nous appercevoir de son poids, & que si tous les rayons que le Soleil envoye sur notre hemisphere pendant le plus long jour de l'Eté, pesoient seulement 3 livres, nos yeux nous seroient inutiles, & l'Univers ne pourroit soutenir un moment la lumiére.

    {Argument de M. de Musschenbroek , en faveur de la pesanteur du Feu.}

    15°.  Le sçavant M. de Musschenbroek fait en faveur de la pesanteur du Feu, un argument qui paroît trés-fort. Le fer ardent que vous pesez, dit-il , vous le peset dans l'air qui est un fluide, or le Feu ayant augmente le volume de ce Fer par la raréfaction, il devroit peser moins dans, l'air lorsqu'il est chaud, & que son volume est plus grand, que lorsqu'il s'est contracté par le froid, & que son volume est diminué, & vous ne trouvez le même poids dans le Fer refroidi , que parce que le Feu avoit réellement augmenté le poids du Fer enflammé ; car s'il ne l'avoit pas augmenté, vous auriez dû trouver votre Fer moins pesant lorsqu'il étoit tout rouge, que lorfqu'il étoit refroidi.

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    {Réponse à cet argument.}

    Cet argument seroit invincible, si l'on étoit sûr qu'aucun autre corps que le Feu ne se fut introduit dans le Fer enflammé ; mais on est bien loin d'en être sûr, car s'il peut se mêler des corps étrangers aux corps calcinés par les rayons du Soleil (le Feu le plus pur que nous connoissions) combien à plus sorte raison pourra-t-il entrer de particules de bois ou de charbon dans les corps qu'on expose au Feu ordinaire? Ainsi on sent aisément qu'en réfutant l'expérience de M. Homberg, j'ai compté réfuter celles de M. Boyle, & Lémery, & toutes celles enfin qu'on a faites sur les corps augmentés de poids par le Feu ; cette augmentation que le Feu d'ici-bas cause dans les corps, devroit même être fort sensible par la quantité de particules hétérogenes qu'il doit introduire dans leurs pores , & elle n'est imperceptible dans quelques-uns, que parce qu'ils perdent beaucoup de leur propre substance par l'action du Feu, & que leur pesanteur spécifique diminue par la raréfaction.
    Il faut donc conclure de toutes ces expériences que le Feu ne pese point, ou que s'il pese, il est impossible que son poids soit jamais sensible pour nous.

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    V I I.

    Quelles sont les propriétés distinctives du Feu.

    {Le feu tend naturellement en-haut.}

    Mais si après avoir examiné les expériences de la pesanteur du Feu, on vient à confidérer sa nature & à rechercher ses propriétés, on ne peut s'empêcher de reconnoître que loin d'avoir cette tendance vers le centre de la terre, que l'on remarque dans les autres corps, il fuit au contraire toujours ce centre, & que son action se porte naturellement en haut.
  L'Académie de Florence a découvert cette tendance du Feu en haut, par une expérience qui ne permet plus aux Philosophes de se mésier de leurs sens, quand ils voyent la flamme monter, & l'action du Feu se porter toujours en haut.
  Deux Thermometres , l'un droit, & l'autre renversé, ayant été mis dans un tube de Verre, & deux globes de Fer, rouges & égaux, approchés à éga1e distance de ces tubes, le Thermometre qui étoit droit, monta sensiblement plus que celui qui étoit renversé ne descendit. Je ne rapporte point le procedé de cette expérience, ni les autres

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circonstances qui l'accompagnerent, on peut les voir dans les Tentamina Florentina , mais toutes ces circonstances concourent à prouver que le Feu tend naturellement en haut, loin d'avoir aucune tendance vers le centre de la terre.
    Cette tendance du Feu en haut, dépend d'une autre propriété particuliére au Feu, par laquelle il tend à l'équilibre, & se répand également dans tout l'espace, lorsque rien ne s'y oppose ; ainsi le Feu tend sans cesse à se dégager des pores des corps, & à se répandre en haut où il n'y a point d'atmosphere sensible, & où il peut s'étendre également de tous côtés sans obstacle ; car l'atmosphere contribue infiniment à la chaleur dans laquelle nous vivons, ainsi que le froid qu'il fait sur les Montagnes le prouve.
    Une expérience bien simple, & que j'ai répétée souvent, prouve encore cette tendance du Feu en haut.
    Si vous mettez une affiette ou une planche sur un de ces grands cylindres de Verre qui servent l'Eté à couvrir les bougies, & que vous laissiez une bougie allumée sous ce cylindre couvert, il est certain que La

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chaleur de la flamme doit à tout moment raréfier l'air renfermé dans ce verre : donc si la flamme montoit par sa seule légéreté spécifique ( comme on le prétend) on la devroit voir à tout moment s'arrondir & perdre sa figure conique, puisque cet air renfermé dans le cylindre, se raréfie a chaque instant, mais c'est ce qul n'arrive point : la flamme conserve cette figure conique jusqu'au moment auquel elle s'éteint, & lorsqu'elle est très-diminuée de hauteur, on voit toujours sa pointe tendre en haut.

    {Porquoi la flamme monte dans un air trés-rarefié.}

    La cause de ce phénomene est que la flamme de la bougie contient assez de feu pour qu'il puisse s'opposer à la tendance naturelle de cette flamme vers le centre de la terre, & que le Feu le fait monter par cette supériorité de force, indépendamment de la pesanteur spécifique de l'air ; le Feu ne feroit peut-être pas le même effet sur toutes les flammes, car il y en a qui contiennent bien moins de particules ignées les unes que les autres.
    La légereté spécifique de la flamme est sans doute une des causes qui fait qu'on ne la voit jamais tendre en bas, c'est aussi cette légéreté spécifique qui fait monter la fumée ;

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mais les particules de feu que la flamme & la fumée contiennent, contribuent aussi à cette tendance en haut.

    {Pouquoi la fumée descend dans le vuide.}

    La fumée qui est la même chose que la flamme, lorsqu'elle contient moins de particules ignées, descend dans le vuide, parce qu'étant composée des particules que le Feu a détachées des corps, & ces particules tendant par leur pesanteur vers le centre de la terre : puisque dans le vuide la résistance de l'air est ôtée, & qu'alors la pesanteur de ces particules surpasse la force du Feu, elles doivent tendre en bas ; mais si vous augmentez la quantité du Feu, en approchant un charbon du récipient, alors la fumée monte par la supériorité des particules du Feu.
    M. Geoffroy a fait une expérience dans laquelle on voit à l'oeil que le feu tend à se répandre également de tous côtés, & qu'il fait sans cesse des efforts sur les parties des corps pour les écarter les unes des autres ; car cet habile Académicien rapporte qu'ayant fait fondre du Fer au Miroir ardent, & ayant ramassé les étincelles qu'il jettoit, il trouva que ces étincelles étoient autant de petits globes de fer creux ; le Feu avoit donc

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combattu la cohesion de ces particules de fer, & leur pesanteur, & il les avoit surmontées.

    {Le feu est l'antagoniste de la pesanteur, loin d'y être soumis.}

    Le Feu est donc l'antagoniste perpétuel de la pesanteur , loin de lui être soumis, ainsi tout est dans la Nature dans de perpétuelles oscillations de dilatation & de contraction par l'action du Feu sur les corps, & la réaction des corps qui s'opposent à l'action du feu par leur pesanteur & la cohésion de leurs parties, & nous ne connoissons point de corps parfaitement durs , parce que nous n'en connoissons point qui ne contienne du Feu, & dont les parties soient dans un parfait repos ;

    {Point de repos dans la Nature.}

ainsi les anciens Philosophes qui nioient le repos absolu , étoient assurément plus sensés peut-être sans le sçavoir, que ceux qui nioient le mouvement.

    {Le Feu conserve & vivifie tout dans l'Univers.}

    Sans cette action & cette réaction perpétuelle du Feu sur les corps, & des corps sur le feu , toute fluidité, toute élasticité, toute mollesse seroit bannie, & si la matiére étoit privée un moment de cet esprit de vie qui l'anime, de ce puissant agent qui s'oppose sans cesse à l'adunation des corps, tout seroit compact dans l'Univers, & il seroit bientôt détruit. Ainsi non seulement les

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expériences ne démontrent point la pesanteur du feu ; mais vouloir que le feu soit pesant, c'est détruire sa nature, c'est enfin lui ôter sa propriété la plus essentielle, celle par laquelle il est un des ressorts du Créateur.

    {Le Feu est également répandu partout.}

    Un autre attribut du feu qui paroît encore n'appartenir qu'à lui, c'est d'être également distribué dans tous les corps. Les hommes ont dû être long-tems sans doute à se persuader cette vérité. Nous sommes portés à croire que le Marbre est plus froid que la Laine, nos sens nous le disent, & il a fallu pour nous détromper, que nous créassions, pour ainsi dire, un être pour juger du dégré de chaleur répandu dans les corps ; cet être, c'est le Thermometre,
c'est lui qui nous a appris que les matiéres les plus compactes & les plus légeres, les plus spiritueuses & les plus froides , le Marbre , & les Cheveux, l'Eau, & Esprit de Vin, le Vuide de Boyle, & l'Or, tous les corps enfin (excepté les créatures animées) contiennent dans un même air la même quantité de feu.

    {Tout les corps dans un même air,  contiennent également de Feu.}

    Il fuit de cette propriété du Feu, 1o. Que tous les corps sont également chauds dans le même air, puisqu'ils sont tous le même effet

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sur le Thermometre. 2o. Que le feu est distribué non selon les masses, mais selon les espaces, puisque l'Or & le Vuide pneumatique en contiennent également.

  {Le Feu est répandu non selon les masses, mais selon les espaces.}

    3°. Qu'il n'y a aucun corps qui s'empreigne de Feu plus qu'un autre, ni qui puisse en retenir une plus grande quantité, puisque dans un même air l'Esprit de Vin n'est pas plus chaud que l'Eau, & qu'ils se refroidissent au même degré.
    Si nos sens nous disent que la Laine contient plus de Feu que le Marbre, notre raison semble nous dire que l'Esprit de Vin en contient plus que l'Eau, il refracte davantage la lumiére, le plus petit feu l'enflamme, il se consume entiérement par la flamme , il ne gele jamais ; enfin cette liqueur paroît toute ignée , surtout lorsqu'elle est devenue alcohol par la distillation ; cependant malgré tous ces phénomenes, le Thermometre décide pour l'égalité,

    {L'Esprit de Vin ne contient pas plus de Feu que l'eau.}

& on ne voit pas comment l'Esprit de Vin pourroit contenir plus de feu que les autres corps , sans que le Thermometre nous en fît appercevoir ; car on ne peut dire que cette plus grande quantité de Feu que contient l'Esprit de Vin , est en équilibre avec ses parties, de Sine qu'une

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moindre quantité est en équilibre avec celles de l'Eau, & que quand l'action & la réaction sont égales, c'est comme s'il n'y avoit point d'action. Car on supposeroit une chose entierement contraire à tout ce que nous connoissons de l'action du Feu sur la corps, & de la réaction des corps sur le Feu ; les corps ne résistent à l'action du Feu que par leur masse, ou par la cohérence de leurs parties : or l'Esprit de Vin est de tous les fluides celui qui pese le moins (si vous en exceptez l'air) & celui dont les parties paroissent les moins cohérentes ; l'alcohol, qui est plus leger que l'Esprit de Vin, est encore plus inflammable que lui; ainfi plus on confidére le Feu comme un corps qui agit selon les loix du choc sur les autres corps, moins on trouvera vrai-semblable que le corps le plus léger soit de tous celui qui résiste le plus à l'action du Feu.  Donc puisque le Thermometre fait voir que l'Esprit de Vin ne contient pas plus de Feu que l'Eau, il faut convenir que le Feu est distribué également dans tout l'espace, sans égard aux corps qui le remplissent.  Si l'Esprit de Vin rompt plus La lumiére que des liquides plus denses, s'il ne se gele jamais,

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cela dépend vrai-semblablement de la contexture & de la distribution de ses pores, & nullement d'une plus grande quantité de Feu contenue dans sa substance, & s'il s'enflamme plus aisément, c'est qu'il contient plus de pabulum ignis, & que ses parties sont plus aisément séparées.
    Le Marbre nous paroît plus froid que la Laine, parce qu'étant plus compact, il touche notre main en plus de points, & qu'il prend par conséquent d'autant plus de notre chaleur ; ainsi malgré quelques apparences, nous sommes forces de reconnoître cette éga1e distribution du Feu dans tous les corps.
    Le froid artificiel que Faheinrhest a trouvé le moyen de produire, & qui fait baisser le Thermometre à 72 degrés au-dessous du point de la congélation, prouve que dans les plus grands froids que nous connoissons, aucun corps n'eft privé du Feu, & qu'il habite en tous, & en tout tems.

    {Le Feu tend par sa nature à l'équilibre.}

    Cette distribution égale du Feu dans tous les corps, cet équilibre auquel il tend par sa nature, & dont on a été si long tems sans s'appercevoir, nous étoit cependant indiqué par mille effets opérés par le Feu , qui

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sont sans cesse sous nos yeux, & ausquels on ne faisoit aucune attention.

    {Preuves.}

    1°. Toutes les parties d'un corps quelconque s'échauffent également, pourvû que le Feu ait le tems de le pénétrer ; or si le Feu ne tenoit pas à l'équilibre par sa nature , il est à croire qu'il trouveroit dans les corps, des parties dans lesquelles il pénétreroit plus facilement que les autres , ainsi leurs parties seroient inégalement échauffées, ce qui n'arrive pas.
    2°. Un corps tout pétillant de Feu, auquel on applique un corps froid, perd de sa chaleur jusqu'à ce qu'il ait communiqué à cet autre corps une quantité de Feu qui rétablisse l'équilibre entr'eux.
    3°.  L'Huile de Tartre par défaillance , qui nous paroît si ignée, & l'Huile de Térébenthine distillée, qui garantit nos corps du froid, & qui nous paroît si chaude, ne le sont pas plus par elles-mêmes que l'Eau pure ; car étant mêlées avec l'Eau, elles ne changent rien à sa température : ce qui prouve que l'effervescence que quelques liqueurs font avec l'eau, ne viet pas de ce que ces liqueurs contiennent plus de Feu que l'eau pure.

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    {Cette tendance du Feu à l'équilibre est la cause de l'échauffement & du refroidissement des corps.}

    4°. Cette tendance du Feu à l'équilibre paroît être la cause de l'échauffement des corps, car sans cette indifférence du Feu pour un espace quelconque, il seroit difficile d'imaginer comment tous les corps pourroient s'échauffer si facilement ; mais cette tendance du Feu quaquaversum fait qu'il est aisé de le rassembler, & que peu de chose suffit pour rompre son équilibre, de même que le moindre poids fait pancher une balance bien juste.
    5°.  Cette égale distribution du Feu semble être encore l'unique cause du refroidissement des corps échauffés, car on ne voit nulle raison pour laquelle le Fer tout imprégné de feu, n'en retiendroit pas quelques particules dans sa substance, ni pourquoi aucun corps n'exhale tout le Feu qu'il contient ; l'équilibre du Feu donne la clef de toutes ces énigmes, car cet équilibre demande que tous les corps en contiennent une certaine quantité déterminée. C'est encore cette tendance du Feu a l'équilibre, qui fait que l'Huile & l'Esprit de Vin, ces liqueurs si spiritueuses, se refroidissent aprês l'ebullition au même degré que l'Eau ; car

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comment l'air pourroit-il leur ôter la chaleur qu'elles acquiérent en bouillant, si le Feu par lui-même ne tendoit à rétablir l'équilibre entre tous les corps, dès que la cause qui l'avoit rompu, vient à cesser ? Les corps se refroidissent ègalement dans le Vuide de Boyle, & dans l'Air ; or si le Feu ne tendoit pas à l'équilibre, les corps une fois échauffés devroient conserver plus de particules de Feu dans le Vuide que dans l'Air.
    6°.  Le même Feu qui fond l'Or & les Pierres au foyer du Miroir ardent, répand dans l'air une chaleur qui nous est à peine sensible, parce que l'air ne s'oppose pas à l'équilibre du Feu comme l'Or & les autres corps, qui, par leur solidité , le retiennent quelque tems dans leurs pores. C'est encore pourquoi le Feu du Soleil raréfie l'air supérieur sans l'échauffer sensiblement, car la pression de l'atmosphere n'opposant plus sa résistance au Feu, il s'étend sans obstacle, & n'est plus rassemblé en assez grande quantité, pour que nous nous appercevions de sa chaleur ; la nécessité de cette pression de l'atmosphere, pour la chaleur du Feu, se fait voir sensiblement dans l'Eau, qui acquiert

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un plus grand degré de chaleur en bouiliant, à proportion de la plus grande pesanteur de l'atmosphere.
    7°. Une preuve de l'indifférence du Feu pour tous les corps quelconques, c'est que l'air d'ici-bas, qui est composé de toutes les parties hétérogenes qui se mêlent à lui par les exhalailsons, s'échauffe également par un même Feu.
    3°.  Le Thermomêtre d'Esprit de Vin, qui est composé d'une liqueur très-spiritueuse, baisse dans les fermentations froides , & hausse dans les chaudes ; d'où peut venir cet effet, si ce n'est de ce que dans les unes il donne de sa chaleur aux corps qui fermentent, & que dans les autres il prend de la leur, ce qui n'arriveroit pas si le Feu ne tendoit à se répandre également dans tous les corps.
    Une des propriétés distinctives & inséparables du Feu, est donc d'être également répandu dans tout l'espace, sans aucun égard aux corps qui le remplissent, & de tendre à rétablir l'équilibre de la chaleur entre les corps, dés que la cause qui l'a rompu vient à cesser.

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    {Le Feu  paroît incapable par sa nature, d'un repos absolu.}

    Il paroît três-vraisemblable que le Feu est capable de plus ou moins de mouvement, selon que les corps lui résistent plus ou moins, ou que sa puissance est excitée par le frottement, mais que le repos absolu est incompatible avec sa nature ; & que c'est le Feu qui imprime aux corps le mouvement interne de Leurs parties, (c'est ce mouvement qui est cause de l'accroissement & de la dissolution de tous les corps de l'Univers ; ainsi le Feu est , pour ainsi dire, l'ame du monde, & le souffle de vie répandu par le Créateur sur son ouvrage.

    V I I I.

    Conclusion de la premiere Partie.

    Je conclus de tout ce que j'ai dit dans cette premiere partie.
    1°. Que la lumiére & la chaleur sont deux effets très-différens & très-indépendans l'un de l'autre, & que ce sont deux façons d'être, deux modes, de l'être que nous appellons Feu.
    2°. Que l'effet le plus universel de cet être, celui qu'il opére dans tous les corps, & dans tous les lieux, c'eft de raréfier les corps,

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d'augmenter leur volume, & de les séparer jusques dans leurs parties élémentaires quand son action est continutée.
    3°. Que le Feu n'est point le résultat du mouvement.
    4°. Que le Feu a quelques-unes des propriétés de la matiere, son étendue, sa divisibilité, &c.
    5°. Que l'impénétrabilité du Feu n'est pas démontrée.
    6°. Que le Feu n'eft point pesant, qu'il ne tend point vers un centre, comme tous les autres corps.
    7°. Qu'il seroit impossible (supposé même qu'il pesât ) que nous pussions nous appercevoir de son poids.
    8°. Que le Feu a plusieurs propriétés qui lui sont propres, outre celles qui lui sont communes avec les autres corps.
    9°. Qu'une de ses propriétés, c'est de n'être déterminé vers aucun point, de se répandre également dans tous les corps, & de tendre a l'équilibre par la nature.
    10°. Que c'est par cette propriété qu'il s'oppose sans cesse à l'adunation des corps, & que c'est par elle enfin qu'il est un des

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ressorts du Créateur, dont il vivifie & conserve l'ouvrage.
    11°. Que le Feu est la cause du mouvement interne des parties des corps.
    12°. Que Le Feu est susceptible de plus ou de moins dans son mouvement , mais que le repos absolu est incompatible avec sa nature.
     l3°. Que le Feu est également répandu dans tout l'espace, & que dans un même air tous les corps en contiennent une égale quantité , si l'on en excepte les créatures qui ont la vie.
    Après avoir examiné la nature du Feu & ses propriétés, il me reste à examiner les loix qu'il fuit, lorsqu'il agit sur les corps , & que ses effets sont sensibles.

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end of transcription of first part.