Batteries électriques - by Alexander Volta

In 1800 the Royal Society published Alexander Volta's description of how he built his batteries.

It is not widely known that Volta invented both the 'wet' and the 'dry' battery.  Most writers mention Volta's pile - a 'dry' battery, but omit to mention his 'crown of cups', or 'wet' battery.

Volta described his inventions as electric batteries: a term already in common use among scientists to denote series-connected condensers (capacitors) such as the Leyden jar.  Volta's own term for his invention was artificial electric organ (organe électrique artificiel) which he compared with the electric organ of the torpedo and the electric eel.  He also compared its continual output with the brief output of ordinary batteries ( batteries électriques ordinaires).

Although Volta describes the output of his batteries as 'perpetual', there is nothing in his writings to suggest that he thought he had discovered the fabled perpetuum mobile.

The following text - in the original French - was transcribed by me from a pdf file, sourced from:
Electrochemical Science and Technology Information Resource (ESTIR).

To the best of my knowledge this document has never been translated into English in its entirety.  A full translation into English is in progress.  I will edit this article with a link here when it is finished.  Edit: now translated, please see  Electric Batteries - By A. Volta.

The image from the original document is placed, as in the pdf, at the end of the text.  For the reader's convenience I place a smaller version here at the start of the French text.  The original document commences below the image.


PHILOSOPHICAL TRANSACTIONS
               OF THE
ROYAL SOCIETY of LONDON
    FOR THE YEAR MDCCC
             PART II

XVII. On the Electricity excited by the mere Contact of conducting substances of different kinds.  In a letter from Mr. Alexander Volta, F.R.S. Professor of Natural Philosophy in the University of Pavia, to the Rt. Hon. Sir Joseph Banks, Bart. K.B. P.R.S.

               Read June 26, l800

  A Côme en Milanois. ce 20me Mars, 1800.

Apres un long silence, dont je ne chercherai pas à m'excuser, j'ai le plaisir de vous communiquer, Monsieur, et par Votre moyen à la Société Royale, quelques resultats frappants aux-quels je suis arrivé, en poursuivant mes expériences sur l'électricité excitée par le simple contact mutuel des métaux de différente espèce, et même par celui des autres conducteurs, aussi différents entr'eux, soit liquides, soit contenant quelque humeur, à laquelle ils doivent proprement leur pouvoir conducteur.  Le principal de ces resultats, et qui comprend à-peu-pres tous les autres, est la construction d'un appareil qui ressemble pour les effets, c'est-à-dir pour les commotions qu'il est capable de faire éprouver dans les bras, &c. aux bouteilles de Leyde, et mieux encore aux batteries électriques foiblement chargées, qui agiroient cependant sans cesse, ou dont la charge, après chaque explosion, se rétabliroit d'elle-même; qui jouiroit, en un mot, d'une charge indéfectible, d'une action sur le fluide électrique, ou impulsion, perpétuelle; mais qui d'ailleurs en diffère essentiellement, et par cette action continuelle qui lui en propre, et parcequ'au lieu de consister, commes les bouteilles et batteries électriques ordinaires, en une ou plusieurs lames isolantes, en couches minces de ces corps censés être les seuls électriques, armées de conducteurs ou corps ainsi dit non-électriques, ce nouvel appareil est formé uniquement de plusieurs de ces derniers corps, choisis même entre les meilleurs conducteurs, et par là les plus éloignes, suivant ce qu'on a toûjours cru, de la nature électrique.   Oui, l'appereil dont je vous parle, et qui vous étonnera sans doute, n'est que l'assemblage d'un nombre de bons conducteurs de différente espèce, arranges d'une certaine manière,  30, 40, 60 pièces, ou d'avantage, de cuivre, ou mieux d'argent, appliquées chacune à une pièce d'étain, ou, ce qui est beaucoup mieux, de zinc, et un nombre égal de couches d'eau, ou de quelque autre humeur qui soit meilleur conducteur que l'eau simple, comme l'eau salée, la lessive &c. ou des morceaux de carton, de peau &c. bien imbibés de ces humeurs; de telles couches interposées à chaque couple ou combinaison des deux métaux différents, une telle suite alternative, et toûjours dans le même ordre, de ces trois especes de conducteurs, voila tout ce qui constitue mon nouvel instrument; qui imite, comme j'ai dit, les effets des bouteilles de leyde ou des batteries électriques, en donnant les mêmes commotions que celles-ci; qui, a la vérité, reste beaucoup au-dessous de l'activité des dites batteries chargees à un haut point, quant à la force et au bruit des explosions à l'étincelle, à la distance à laquelle peut s'opérer la décharge, &c. egalant seulement les effets d'une batterie chargée à un degré très-foible, d'une batterie pourtant ayant une capacité immense; mais qui d'ailleurs surpasse infiniment la vertu et le pouvoir de ces mêmes batteries, en ce qu'il n'a pas besoin, comme elles, d'être chargé d'avance, au moyen d'une électricité étrangère; et en ce qu'il est capable de donner la commotion, toutes les fois qu'on le touche convenablement, quelques fréquents que soient ces attouchements.

  Cet appareil, sembable dans le fond, comme je ferai voir, et même tel que je viens de le construire, pour la forme, à l'organe électrique naturel de la torpille, de l'anguille tremblante, &c. bien plus qu'à la bouteille de Leyde, et aux batteries électriques connues, je voudrois l'appeller Organe électrique artificiel.  Et au vrai n'est-il pas,comme celui-là, composé uniquement de corps conducteurs ? nest-il pas au surplus actif par lui-même, sans aucune charge précêdente, sans le secours d'une électricité quelconque excitée par aucun des moyens connus jusqu'ici ; agissant sans cesse, et sans relâche ; capable enfin de donner à tout moment des commotions plus ou moins fortes, selon les circonstances, des commotions qui redoublent à chaque attouchement, et qui repétées ainsi avec fréquence, ou continuées pour un certain tems, produisent ce même engourdissement des membres que fait éprouver la torpille, &c. ?

  Je vais vous donner ici une description plus détaillée de cet appareil, et de quelques autres analogues, aussi bien que des expériences relatives les plus remarquables.

  Je me fournis de quelques douzaines de petites plaques rondes ou disques, de cuivre, de laiton, ou mieux d'argent, d'un pouce de diamétre, plus ou moins, (par exemple, de monnoyes,) et d'un nombre égal de plaques d'étain, ou, ce qui est beaucoup mieux, de zinc, de la même figure et grandeur, à-peu-près ;  je dis à-peu-près, parcequ'une précision n'est point requise, et, en général, la grandeur, aussi bien que la figure, des pièces métalliques, est arbitraire: on doit avoir égard seulement qu'on puisse les arranger commodément les unes sur les autres, en forme de colonne.  Je prépare en outre, un nombre assez grand de rouelles de carton, de peau, ou de quelque autre matière spongieuse, capable d'imbiber et de retenir beaucoup de l'eau, ou de l'humeur dont il faudra pour le succès des expériences, qu'elles soient bien trempées. Ces tranches ou rouelles, que j'appellerai disques mouillés, je les fais un peu plus petites que les disques ou plateaux métalliques, afin qu'interposées a ceux, de la maniere que je dirai tantôt, ils n'en débordent pas.

   Ayant sous ma main toutes ces pièces, en bon état, c'est-à-dire, les disques métalliques bien propres et secs, et les autres non-métalliques bien imbibés d'eau simple, ou, ce qui est beaucoup mieux, d'eau salée, et essuyés ensuite légèrement, pour que l'humeur n'en dégoutte pas, je n'ai plus qu'a les arranger comme il convient ; et cet arrangement est simple et facile.

  Je pose donc horizontalement sur une table ou base quelconque, un des plateaux métalliques, par exemple, un d'argent, et sur ce premier j'en adapte un second de zinc; sur ce second je couche un des disques mouillés ; puis un autre plateau d'argent, suivi immédiatement, d'un autre de zinc, auquel je fais succéder encore un disque mouillé.   Je continue ainsi, de la même façon, accouplant un plateau d'argent avec un de zinc, et toûjours dans le même sens, cest-à-dire, toûjours l'argent dessous et le zinc dessus, ou vice versâ, selon que j'ai commencé, et interposant à chacun de ces couples, un disque mouillé ; je continue, dis-je, à former, de plusieurs de ces étages, une colonne aussi haute qu'elle peut se soutenir sans s'écrouler.

  Or, si elle parvient à contenir environ 20 de ces étages ou couples de métaux, elle sera déjà capable, non seulement de faire donner des signes à l'électrometre de CAVALLO, aidé du condensateur, au-delà de 10 ou 15 degrés, de charger ce condensateur par un simple attouchement, au point de lui faire donner une éticelle, &c. mais aussi de frapper les doigts avec lesquels on vient toucher ses deux extremités (la tête et le pied d'une telle colonne, ) d'un ou de plusieurs petits coups, et plus ou moins fréquents, selon qu'on réitere ces contacts ; chacun desquels coups ressemble parfaitement a cette légère commotion que fait éprouver une bouteille de Leyde foiblement chargée, ou une batterie chargée beaucoup plus foiblement encore, ou enfin une torpille extrêmement languissante, qui imite encore mieux les effets de mon appareil, par la suite des coupe repétés qu'elle peut donner sans cesse.

  Pour obtenir de telles légères commotions de cet appareil que je viens de décrire, et qui est encore trop petit pour de grands effets, il est nécessaire que les doigts avec lesquels on veut toucher ses deux extremités en même tems, soient humectés d'eau, au point que la peau, qui autrement n'est pas un assez bon conducteur, se trouve bien trempée.  Encore pour réussir plus sûrement, et recevoir des commotions considérablement plus fortes, faut-il faire communiquer par le moyen d'une lame suffisamment large, ou d'un gros fil  métallique, le pied de la colonne c'est-à-dire, le plateau de fond, avec l'eau d'un bassin ou coupe assez grande, dans laquelle on tiendra plongé un doigt, deux, trois, ou toute la main, tandis qu'on ira toucher la tête ou extrémité supérieure, (le dernier ou un des derniers plateaux de cette colonne) avec l'éxtrémite nette d'une lame aussi métallique, empoignée par l'autre main, qui doit être bien humide, et embrasser une large surface de cette lame, et la serrer fortement.   En procédant de cette manière, je puis déjà obtenir un petit picotement, ou légère commotion, dans une ou deux articulations d'un doigt plongé dans l'eau du bassin, en touchant, avec la lame empoignée dans l'autre main, a quatrième, ou même la troisième paire de plateaux ; touchant ensuite la cinquième, la sixième, et de proche en proche les autres, jusqu'au dernier plateau, qui fait la tête de a colonne, il est curieux d'eprouver comment les commotions augmentent graduellement en force. Or, cette force est telle, que je parviens à recevoir d'une telle colonne, formee de 20 paires de plateaux, (pas davantage,) des commotions qui prennent tout le doigt, et l'affectent même assez douloureusement ; s'il est plongé seul dans l'eau du bassin; qui s'étendent (sans douleur) jusqu'au poignet, et même jusqu'au coude, si la main est plongée en grande partie ou entièrement, et se font sentir encore au poignet de l'autre main.

  Je suppose toûjours qu'on ait pratiqué toutes les attentions nécessaires dans la construction de la colonne, que chacune des paires ou couples de métaux, resultant d'une plaque d'argent appliquée a une de zinc, se trouve en communication avec la couple suivante, par une couche suffisante d'humeur, qui soit de l'eau salée, plutôt que de l'eau pure, ou par un disque de carton, de peau, ou autre chose semblable, bien imbibée de cette eau salée ; lequel disque ne soit pas trop petit, et dont les surfaces soient bien collées aux surfaces des plateaux métalliques, entre lesquels il se trouve interpose. Cette application exacte et étendue des disques mouillés, est très-importante ; au lieu que les plateaux métalliques de chaque paire, peuvent ne se toucher entr'eux qu'en peu de points, pourvu seulement que leur contact soit immédiat.

  Tout cela fait voir (pour le dire ici en passant) que si le contact des métaux entr'eux en quelques points seulemont suffit (étant tous d'excellents conducteurs) pour donner libre passage à un courant électrique médiocrement fort, il n'en est pas de même pour les liquides, ou pour les corps imbibés d'humeur, qui sont des conducteurs beaucoup moins parfaits, et qui, par conséquent, ont besoin d'un ample contact avee les conducteurs métalliques, et plus encore entr'eux, pour que le fluide électrique puisse passer avec assez de facilité, et pour qu'il ne soit pas trop retardé dans son cours, sur-tout lorsqu'il est mu avec très-peu de force, comme dans notre cas.

 Au reste, les effets de mon appareil (les commotions qu'on éprouve) sont considérablement plus sensibles, à mesure que la tempéérature de l'air ambient, ou celle de l'eau, ou des disques mouillés qui eutrent dans la composition de la colonne, et de l'eau même du bassin, est plus chaude ; la chaleur rendant l'eau plus conductrice. Mais, ce qui la rend beaucoup meilleure encore, ce sont presque tous les sels, et notammente sel commun. Voilà une des raisons, sinon la seule, pourquoi il est si avantageux que l'eau du bassin, et sur-tout celle interposée a chaque paire de plateaux metalliques l'eau dont sont imbibés les disques de carton, &c. soit de l'eau salée, comme j'ai déjà fait remarquer.

 Mais tous ces moyens, et toutes ces attentions, enfin, n'ont qu'un avantage limité, et ne feront jamais qu'on puisse obtenir des commotions bien fortes, tant que l'appareil no consistera qu'en une seule colonne formée de 20 paires seulement de plateaux, quoiqu'ils soient des deux meilleurs métaux pour ces expériences, sçavoir, d'argent et de zinc ; car, s'ils étoient d'argent et de plomb, ou d'étain, ou de cuivre et d'étain on n'obtiendroit pas la moitie de l'effet, à moins q'un nombre beaucoup plus grand ne suppléât a la moindre force de chaque paire. Or donc, ce qui augmente réellement la puissance électrique de cet appareil, et la peut porter au degré d'égaler, et de surpasser encore, celle de la torpille et de l'anguille tremblante, c'est le nombre des plateaux, arrangés de la manière, et avec les attentions, que j'ai expliqué. Si, aux 20 paires décrites ci-dessus, on en ajoute 20 ou 30 autres, disposées dans le même ordre, les commotions que pourra donner la collone ainsi prolongée, (Je dirai tantôt comment on peut a soutenir, pour qu'elle ne s'écroule pas, ou, ce qui est mieux, la partager en deux ou plusieurs colonnes,) seront déjà beaucoup plus fortes, et s'étendront dans les deux bras jusqu'à l'epaule, sur-tout dans celui dont la main est plongee dans l'eau ; laquelle main, avec le bras entier en restera plus ou moins engourdie, si, en réitérant les attouchements avec fréquence, on fait succeder ces commotions l'une a l'autre rapidement, et sans relâche.  Cela, en plongeant toute, ou presque toute, la main dans l'eau du bassin ; mais, si on ne plonge qu'un doigt seul, en tout ou en partie,  les commotions concentrâes presque dans lui seul, en seront d'autant plus douloureuses, et si cuisantes qu'elles deviendront insupportables.

  On s'attend bien que cette colonne, formée de 40 ou 50 couples de metaux, qui donne des commotions plus que médiocres aux deux bras d'une personne,  pourra en donner encore de sensibles à plusieurs, qui se tenant par leurs mains, (suffisamment humides,) forment une chaine non interrompue.

  Revenant à la construction mecanique de mon appareil, qui est susceptible de plusleurs variations, je vais décrire ici, non pas toutes celles que j'ai imaginées et exécutées, soit en grand, soit en petit, mais quelques unes seulement, qui sont ou plus curieuses, ou plus utiles; qui présentent quelqu' avantage réel, comme d'être d'une exécution plus facile ou plus expéditive, d'etre plus immanquables dans leurs effets, ou plus long-tems conservables en bon état.

  Et pour commencer par une, qui, réunissant à-peu-près tous ces avantages, diffère le plus quant à sa figure, de l'appareil à colonne décrit ci-dessus  mais qui a le desavantage d'être une machine beaucoup plus volumineuse ; je vous présente ce nouvel appareil, que j'appellerai à couronne de tasses, dans la figure ci-jointe. (Pl. XVII. Fig. 1.)

  On dispose donc une rangée de plusieurs tasses ou coupes, de quelque matière que ce soit, exceptes les métaux, de tasses de bois, d'ecaille, de terre, ou mieux de cristal, (des petits verres à boire ou gobelets, sont les plus à-propos,) à demi pleines d'eau pure, ou mieux d'eau salée, ou de lessive; et on les fait communiquer toutes, on en forme une espèce de chaine, par le moyen d'autant d'arcs metalliques, dont un bras A a, ou seulement l'extrémité A, qui plonge dans un des gobelets, est de cuivre rouge, ou jaune, ou mieux de cuivre argenté, et l'autre Z, qui plonge dans le gobelet suivant, est d'étain, ou mieux de zinc.  J'observerai ici, en passant, que la lessive et les autres liqueurs alcalines sont préférables, lorsqu' un des métaux qui doivent plonger, est l'étain ; l'eau salée est preferable, lorsque c'est le zinc.  Les deux métaux dont chaque arc se compose, sont soudés ensemble, dans quelque endroit que ce soit, au-dessus de la partie qui plonge dans le liquide, et qui doit le toucher par une surface suffisamment large : il est pour cela convenable, que cette partie soit une lame d'un pouce quarré, ou trés-peu moins; le reste de l'arc peut être plus étroit tant qu'on veut, et même un simple fil métallique. Il peut aussi être d'un troisième métal. différent des deux qui plongent dans le liquide des gobelets ; puisque l'action sur le fluide électrique, qui résulte de tous les contacts de plusieurs métaux qui se succédent immédiatement, la force avec laquelle ce fluide se trouve poussé à la fin, est la même absolument, ou à-peu-près, que celle qu'il auroit reçu par le contact immediat du premier métal avec le dernier, sans aucun des métaux intermédiaires. comme j'ai verifié par des experiences directs, dont j'aurai occasion de parler ailleurs.

   Or donc, une suite de 30, 40, 60, de ces gobelets. enchainés de cette manière, et rangés, soit dans une ligne droite, soit dans une courbe, ou repliée de touts les manières, forme tout ce nouvel apparell; qui dans le fond, et en substance, est le même que l'autre à colonne, décrit plus haut ; l'essentiel, qui consiste dans la communication immediate des métaux differents qui forment chaque couple, et médiate d'une couple avec l'autre, savoir, par l'interméde d'un conducteur humide, ayant lieu pour l'un, aussi bien que pour l'autre de ces appareils.

   Quant à la manière de mettre celui à gobelets a l'épreuve, et quant aux différentes expériences auxquelles il peut servir, je n'ai pas besoin d'en dire beaucoup, après ce que j'ai fait observer, et expliqué amplement, au sujet de l'autre à colonne. On comprendra aisément, que pour avoir la commotion, il suffit de plonger une main dans un des gobelets, et un doigt de l'autre main dans un autre gobelet, assez eloigné de celui-la que cette commotion sera d'autant plus forte que ces deux vases seront plus eloignés l'un de lautre, cest-à-dire, qu'il y en aura un plus grand nombre d'intermédiaires ; que, par conséquent, on aura la plus forte, en touchant le premier et le dernier de la chaine.  On comprendra aussi comment et pourquoi, les expériences réussiront beaucoup mieux, en empoignant, et serrant, dans une main bien humectée, une lame métallique assez large, (afin que la communication soit ici assez parfaite, et se fasse par  un  grand nombre de points,) et touchant avec cette lame l'eau du gobelet, ou plutôt l'arc métallique designé, tandis que l'autre main se trouve plongée dans l'autre gobelet éloigné, ou touche, avec une lame empoignée de même, l'arc de celui-ci.  Enfin on comprendra, et on pourra même prévoir le succès d'une grande variété d'expériences, qu'on peut executer avec cet appareil à couronne de tasses, plus facilement, et d'une manière plus evidente et parlante, pour ainsi dire, aux yeux, qu'avec l'autre appareil à colonne.  Je me dispenserai donc de décrire un grand nombre de ces experiences faciles à deviner, et j'en rapporterai seulement quelques unes, qui ne sont pas moins instructives qu'amusantes.

 Soient troi vingtaines de ces tasses ou gobelets, ranges et enchainés l'un a l'autre par les arcs métalliques mais de façon que, pour la première vingtaine, ces arcs soient tournés dans le même sens, par exemple, le bras d'argent tourné à gauche, et le bras de zinc à droite; et pour la seconde vingtaine, en sens contraire, cest-à-dire, le zinc à gauche, et l'argent à droite; enfin, pour la troisième vingtaine,de nouveau, l'argent à gauche, comme pour la premiere. Ces choses ainsi disposées, plongez un doigt dans l'eau du premier gobelet, et touchez avec la lame empoignée par l'autre main, de la manière préscrite, le premier arc métallique, (celui qui joint le premier gobelet au second,) puis l'autre arc qui embrasse le second et le troisième gobelet et successivement les autres arcs, jusqu'à les parcourir tous.  Si l'eau est bien salée et tiéde, et la peau des mains assez humectée et ramollie, vous commencerez déjà à éprouver une petite commotion dans le doigt, lorsque vous serez parvenu à toucher le 4e ou 5e arc; (je l'ai éprouvée quelquefois assez distinctement par le contact du 3e;) et, en passant successivement au 6e, 7e, &c. les secousses augmenteront graduellement deforce, jusqu'au 20e arc, c'est-à-dire, jusqu'au dernier de ceux tournés dans le même sens : mais, en passant outre, au 21e, 22e, 23e, ou 1er, 2d 3e, de la seconde vingtaine, dans laquelle ils sont tous tournés en sens contraire, les secousses deviendront à chaque pas moins fortes, si bien, qu'au 36e ou 37e, elles seront imperceptibles, et absolument nulles au 40e; passé lequel, (et commençant la troisieme vingtaine, opposée à la seconde, et analogue à la premiere,) les secousses seront encore lmperceptibles, jusqu'au 44e ou 45e arc; mais elles recommenceront à devenir sensibles, et à augmenter graduellement, à mesure que vous avancerez, jusqu'au 60e, où elles seront arrivées à la même force du 20e arc.

  Or, si les 20 arcs du milieu étoient tournés dans le même sens que les 20 précedents et les 20 suivants, Si tous les 60 conspiroient à pousser le fluide electrique dans la même direction, on comprend de combien l'effèt seroit plus grand à la fin, et la commotion plus forte; et en général on comprend comment, et jusqu'à quel point, elle doît être affoiblie, dans tous les cas ou un nombre plus ou moins grand de ces forces, par la position des métaux a l'opposite, se contrarient.

  Si la chaine est interrompue quelque part, soit que l'eau manque dans une des tasses, soit qu'un des arcs métalliques ait été enlevé, ou qu'il soit séparé en deux pieces, vous n'aurez aucune commotion en plongeant un doigt dans l'eau du premier, et un autre dans lemi du dernier vase ; mais vous l'aurez, forte ou foible, selon les circonstances, (laissant ces doigts plongés,) au moment qu'on rétablira la communication rompue, au moment qu'une autre personne plongera dans les deux tasses où manque l'arc, deux de ses doigts, (qui seront aussi frappés d'une légère commotion,) ou mieux, qu'elle y plongera ce même arc qu'on avoit ôté, ou un autre quelconque; et, dans le cas de l'arc separé en deux piéces, au moment qu'on ramenera celles-ci au contact mutuel; (de laquelle manière la commotion sera plus forte qu'autrement;) enfin, dans le cas de la tasse vuide, au moment qu'en y versant de l'eau, elle abordera aux deux bras métalliques enfoncés dans cette tasse, et qui se trouvoient à sec.

 Lorsque la chaine ou couronne de tasses est assez longue, et en état de pouvoir donner une forte commotion, on l'eprouvera, quoique beaucoup plus foible, quand même on tiendroit plongés les deux doigls, ou les deux mains, dans un seul bassin d'eau assez grand, dans lequel aboutissent le premier et le dernier arc métallique, pourvu que l'une ou l'autre de ces mains enfoncèes, ou mieux toutes les deux, on les tienne respectivement en contact de ces mêmes arcs, ou assez près du contact; on éprouvera, dis-je, une commotion au moment que (la chaine se trouvant interrompue quelque part) la communication sera rétablie, et le cercle completé, d'une des manières qu'on vient de dire. Or, on pourroit être surpris, que dans ce cercie, le courant électrique, ayant son passage libre à travers une masse d'eau non interrompue, dans cette eau qui remplit le bassin, quitte ce bon conducteur, pour se jetter, et poursuivre son cours, à travers le corps de la personne qui, tient ses mains plongées dans cette même eau, en faisant ainsi un plus long trajet.  Mais la surprise cessera, si on reflechit, que les substances animales vivantes et chaudes, et sur-tout leurs humeurs, sont en général des meilleurs conducteurs que l'eau.  Le corps donc de la personne qui plonge les mains dans l'eau, offrant un passage plus facile que cette eau au torrent électrique, celui-ci doit le préférer quoiqu'un peu plus long.  Au reste, comme le fluide électrique, lorsqu'il doit traverser en quantité, des conducteurs qui ne sont pas parfaits, et nommément des conducteurs humides, aime à s'étendre dans un canal plus large, ou à se partager en plusieurs, et à prendre même des détours, trouvant en cela moins de résistance qu'à suivre un seul canal, quoique plus court; ce n'est dans notre cas qu'une partie du torrent électrique, qui, s'ecartant de l'au, prend cette nouvelle route de la personne, et la parcourt d'un bras à l'autre : une autre partie, plus ou moins grande, passe à travers l'eau du bassin. Voilà la raison pourquoi la secousse qu'on éprouve, est beaucoup plus foible que lorsque le courant électrique n'est point partagé, lorsque la personne fait seule la communication d'un arc à l'autre, &c.

  D'apres ces expériences, on peut croire, que lorsque la torpille veut donner une secousse aux bras de l'homme, ou aux animaux qui la touchent, ou qui s'approchent de son corps sous l'eau, (laquelle secousse est pareillement beaucoup plus foible que celle que le poisson petit donner hors de l'eau,) elle n'a qui rapprocher quelques unes des parties de son organe électrique, là où, par quelque intervalle, la communication manque ; qu'à ôter ces interruptions entre l'une et l'autre des colonnes dont est formé le dit organe, ou entre ces membranes, en forme de disques minces, qui gissent les unes sur les autres, du fond jusqu'au sommet de chaque colonne ; elle n'a, dis-je, qu'à ôter ces interruptions dans un ou plusieurs endroits, et y faire. naître le contact convenable, soit en comprimant ces mêmes colonnes, soit en faisant couler entre les pellicules ou diaphragmes souévées, quelqu'humeur, &c.   Voilà quelle peut être, et comme j'imagine quelle est réellement, toute la tâche de a torpille, en donnant la commotion; car tout le reste, je veux dire l'incitation et mouvement donné au fluide électrique, n'est qu'un effet necessaire de son organe singulier, formé, comme on voit, d'une suite très-nombreuse de conducteurs, que j'ai tout le fondement de croire assez différents entr'eux pour être aussi moteurs du fluide électrique, dans leurs contacts mutuels, et de les supposer arrangés de la manière convenable pour pousser ce fluide avec une force suffisante, de haut en bas, ou de bas en haut, et determiner un courant capable de produire la commotion, &c. sitôt, et chaque fois, que tous les contacts et communications nécessaires ont lieu.

  Mais laissons maintenant la torpille, et son organe èlectrique naturel, et revenons à l'organe èlectrique artificiel de mon invention, et particulièrement à celui qui imite le premier, même par la forme, (car celul a gobelets s'en éloigne à cet égard,) revenons à mon premier appareil à colonne.  J'aurois quelque chose encore à dire par rapport à la construction du dit appareil  à gobelets ou à couronne de tasses, par exemple, qu'il est bon que la première et la dernière tasse soient assez grandes pour pouvoir y plonger, à l'occasion, toute la main, &c. ; mais il seroit trop long d'entrer dans tous ces détails.

  Quant à l'appareil à colonne, j'ai cherché les moyens de l'allonger beaucoup,  en multipliant les plateaux métalliques sans qu'elle s'écroulât; de rendre cet instrument commode et portatif,et, sur-tout, durable ; et j'ai trouvé, entr'autres, les suivants, que je vous mets sous les yeux, par les figures ci-jointes. (Pl XVII. Fig. 2,3,4.)

  Dans la Fig. 2de, m m m m, sort des montants ou baguettes, au nombre, de trois, quatre, ou plus, qui s'élèvent du pied de la colonne, et renferment, comme dans un cage, les plateaux ou disques posés les uns sur les autres, en tel nombre, et jusqu'à la hauteur qu'on veut, et les empêchent ainsi de tomber.   Les baguettes peuvent être de verre, de bois, ou de métal; seulement, dans ce dernier cas, il faut empêcher qu'elles touchent immédiatement les plateaux; ce qu'on peut faire, ou en couvrant chacune de ces baguettes métalliques avec un tube de verre,ou en interposant entre celles-ci et la colonne, quelques bandes de toile cirée, de papier huilé, ou même de papier simple, ou tout autre corps enfin, qui soit ou cohibent ou mauvais conducteur: le bois, ou le papier, le sont assez pour notre cas, pourvu seulement qu'ils ne soient pas extrêmement humides, ou mouillés.

  Mais le meilleur expédient, lorsqu'on veut former l'appareil d'un nombre très-grand de plateaux, au-delà, par exemple, de 60, 80, 100, est de partager la colonne en deux ou plusieurs, comme on voit dans les Figures 3 et 4 (Pl. XVII) où les pièces ont toutes leurs positions et communications respectives, comme si c'étoit une seule colonne.  On peut en effet regarder la Fig. 4e, aussi bien que la 3e, comme une colonne repliée.

  Dans toutes ces figures, les plateaux metalliques différents sont designés par les lettres A et Z; (qui sont les initiels d'argent et de zinc;) et les disques mouillés (de carton, de peau &c.) interposés à chaque couple do ces métaux, par une couche noire.  Les lignes ponctuées marquent l'union d'un métal avec l'autre, dans chaque couple, leur contact mutuel par Un nombre quelconque de points; ce qui est indifférent, ou qu'ils sont soudés ensemble, ce qui est bien à plus d'un égard.  cc, cc, CC, sont des plaques métalliques, qui font communiquer une colonne, ou section de colonne, à l'autre ; et b, b, b, b, b, sont, les bassins d'eaux, en communication avec les pieds ou extrémités des colonnes.

  Un appareil ainsi monté est assez commode, pas volumineux, et on pourroit le rendre encore plus facilement et plus sûrement portatif, à l'aide de quelques étuis ou canons, dans lesquels on enfermeroit et garderoit chaque colonne. C'est dommage seulement qu'il ne dure pas long-tems en bon état; les disques mouillés se desséchant, dans un ou deux jours, au point qu'il faut les humecter de nouveau; ce qu'on peut faire pourtant, sans démonter tout l'appareil, en plongeant les colonnes toutes faites dans l'eau, et (les ayant retirées quelques tems après) les essuyant à l'extérieur avec un linge, ou autrement, le mieux qu'on peut.

  La meilleure manière d'en faire un instrument aussi durable qu'on peut le souhaiter, seroit d'enfermer et retenir l'eau interposée à chaque couple de métaux, et de fixer ces mêmes plateaux à leurs places, en enveloppant de cire ou de poix toute la colonne; mais la chose est un peu difficile pour l'execution, et exige beaucoup de patience. J'y ai pourtant réussi; et j'ai formé, de cette manière, deux cilindres de 20 couples métalliques, qui me servent encore assez bien, après quelques semaines, et serviront, j'espère, après des mois.

  On a la commodité de pouvoir employer ces cilindres aux expériences, non seulement debout, mais inclinés, ou couchés, comme on veut, et même plongés dans l'eau, la tête seulement dehors : ils pourroient encore donner la commotion plongés entièrement, s'ils contenoient un nombre plus grand de plateaux, ou s'ils plusieurs de ces cilindres étoient joints ensemble, et qu'il y eût quelqu'interruption, qu'on pût ôter à volonté, &c. avec quoi, ces cilindres imiteroient assez bien l'anguille tremblante ; pour mieux ressembler à laqudlle, même dans l'extérieur, ils pourroient être joints ensemble par des fils métalliques pliables, ou des ressorts à boudin, et être couverts dans toute la longueur d'une peau, et se terminer en une tête et en une queue, bien configureés, &c.

  Les effets sensibles à nos organes que produit un appareil formé de 40 ou 50 paires de plateaux, (et même un moins grand, si l'un des métaux étant argent ou cuivre, l'autre est zinc,) ne se reduisent pas simplement aux commotions : le courant de fluide électrique, mu et sollicité par un tel nombre et espèces de conducteurs différents, argent, zinc, et eau, alternativement disposés de la maniére decrite n'excite pas seulement des contractions et spasmes dans les muscles. des convulsions plus ou moins violentes dans les membres qu'il traverse dans son cours, mais il irite aussi les organes du goût, de la vue, de l'ouie, et du tact, proprement dit, et y produit des sensations propres à chacun.

  Et, premierement, quant au sens du tact; si, au moyen d'un ample contact de la main (bien humectée) avec une lame métallique, ou mieux, en plongeant la main profondément dans l'eau du bassin, j'établis d'un côté une bonne communication avec une des extrémités de mon appareil électro-moteur, (il faut donner de nouveaux noms à des instruments nouveaux, non seulement par la forme, mais aussi par les effets, ou par le principe d'où ils dependent,) et de l'autre côté j'applique le front, la paupiére, le bout du nez, aussi humectés, ou quelque autre partie du corps où la peau soit assez délicate ; j'appllque, dis-je. avec un peu de pression, quelqu'une de ces parties delicates, bien humectées, contre la pointe d'un fil métallique, qui va communiquer convenablement à l'autre extrémité du dit appareil, je sens, au moment que s'accomplit ainsi le circle conducteur, à l'endroit touché de la peau, et un peu au-delà un coup et une piqure, qui passent vite, et se repètent autant de fois qu'on interrompt et rétablit ce cercle ; de sorte que si ces alternatives sont fréquentes, elles me causent un trémoussement, et un picotement fort desagréable.  Mais, si toutes les communications continuent sans ces alternatives, sans la moindre interruption du cercle, je ne ressens plus rien pour quelques moments ; passés lesquels, commence à la partie appliquée au bout du fil métallique, une autre sensation, qui est une douleur aigue, (sans secousse,) limitée précisément aux points du contact, une cuisson, non seulement continuée, mais qui va toûjours en augmentant, au point de devenir en peu de tems insupportable, et qui ne cesse qu'en interrompant lr cercle.

  Quelle preuve plus évidente de la continuation du courant électrique, pour tout le tems que les communications des conducteurs qui forme le cercle continuent ?  et que seulement en interrompant celui-ci, un tel courant est suspendu ? Cette circulation sans fin du fluide électrique, (ce mouvement perpetuel,) peut paroitre paradoxe, peut n'être pas explicable; mais elle n'en est pas moins vraie et réelle, et on la touche, pour ainsi dire, des mains. Une autre preuve evidente peut aussi se tirer, de ce que, dans ces sortes d'expériences, on éprouve souvent, au moment qu'on interrompt brusquement le cercle, un coup, une piqûre, une commotion, suivant les circonstances, tout comme au moment qu'on le complete ; avec la seule différence, que ces sensations, causées par une espèce de reflux du fluide électrique, ou par le secousse qui naît de la suspension soudaine de son courant, sont plus foibles.  Mais je n'ai pas besoin, et ce n'est pas le lieu, d'alléguer les preuves d'une telle circulation sans fin du fluide électrique, dans un cercle de conducteurs où il y en a qui, pour être de différente espèce, font par leur contact mutuel, l'office d'excitateurs ou moteurs: cette proposition, que j'ai avancée dès mes premières recherches et découvertes au sujet du Galvanisme, et toûjours soutenue, en l'appuyant de nouveaux faits et expériences, n'aura plus, jespére, de contradicteurs.

  Revenant à la sensation de douleur qu'on éprouve dans les expériences décrites ci-dessus, je dois ajouter, que si cette douleur est assez forte et piquante dans les parties que la peau recouvre, elle l'est beaucoup plus où la peau a été enlévé, dans les blessures, par exemple, et les plaies recentes.  Si par hazard il y a une petite incision, ou écorchure, au doigt que je plonge dans l'eau communiquante avec une des extrémités de l'appareil électro-moteur, j'y ressens une douleur si vive et si cuisante, lorsqu'en établissant la communication convenable avec l'autre extrémité j'en complete le cercle, que je dois bientôt me désister de l'expérience, c'est-à-dire, retirer le doigt, ou interrompre de quelque autre manière ce cercle.  Je dirai de plus, que je ne puis pas même resister au-delà de quelques secondes, lorsque la partie de l'appareil que je mets en jeu, ou l'appareil entier, ne va qu'à 20 couples métalliques, ou environ.

  Une chose que je dois encore faire remarquer, c'est, que toutes ces sensations de picotement et de douleur sont plus fortes et plus aigues les autres choses egales, lorsque la partie du corps qui doit les resseolir Se trouve du côté de l'électricité négative, cest-à-dire, placée de manière, dans le cercle conducteur, que le fluide électrique parcourant ce cercle, ne soit pas dirigé contre cette partie sensible, qu'il ne s'avance pas vers elle et y entre de dehors en dedans, mais bien que sa direction soit de dedans en dehors, en un mot, qu'il en sorte : par rapport à quoi, il faut connoître, des deux métaux qui entrent par couples dans l'appareil construit, quel est celui qui donne à l'autre.  Or, j'avois déjà determiné cela pour tous les métaux, par d'autres expériences, publiées il y a long-tems, à suite de mes premiers mérmoires au sujet du Galvanisme.  Je ne dirai donc ici autre chose, sinon que tout est pleinement confirmé, par les expériences également et encore plus démonstratives et éclatantes, qui m'occupent à présent.

   Par rapport au sens du goût,j'avois déjà découvert, et publié dans ces premiers mémoires, où je me vis obligé de combattre la prétendue électricité animale de Galvani, et de la déclarer une electricité extrinséque, mue par le contact mutuel des métaux de diffèrente espèce; j'avois, dis-je, découvert, en conséquence de ce pouvoir que j'attribuois aux métaux, que deux piéces de ces métaux différents, et singulièrement une d'argent et une de zinc, appliquées convenablement, excitoient, sur le bout de la langue, de sensations de savour très-marquées ; que la saveur etoit decidément acide, si, le bout de la langue étant tourné vers le zinc, le courant électrique alloit contre lui, et entroit; et qu'une autre saveur, moins forte, mais plus désagréable, acre, et tirante à l'alcalin, se faisoit sentir, si (la position des métaux étant renversée) le courant électrique sortoit du bout de la langue; que ces sensations, au surplus, continuoient, et recevoient même des accroissements, pendant plusieurs secondes, si le contact mutuel des deux métaux se soutenoit, et le cercle conducteur n'etoit nulle part interrompu.  Or, quand j'ai dit ici, que les mêmes phénomènes arrivent ponctuellement, lorsqu'on met à l'épreuve, au lieu d'une seule couple de ces piéces métalliques, un assemblage de plusieurs, arrangés comme il faut ; et que les dites sensations de saveur, soit acide, soit alcaline, augmentent, mais peu, avec le nombre de ces couples, j'ai presque tout dit. Il me reste seulement à ajouter, que si l'appareil qu'on met en jeu pour ces expériences sur la langue, est formé d'un nombre assez grand de couples métalliques de cette espèce, si, par exemple, il en contient 30, 40, ou d'avantage, la langue n'éprouve pas uniquement la sensation de saveur qu'on vient de dire, mais, en outre, celle d'un coup, qui la frappe à l'instant qu'on complete le cercle, et qui lui cause une piqûre plus ou moins douloureuse, mais passagère suivie, quelques moments après, de la sensation durable de saveur.  Ce coup produit même une convulsion, ou trémoussement, d'une partie, ou de toute la langue, lorsque l'appareil, formé d'un plus grand nombre encore de couples des dits métaux, est plus actif et que moyennant de bonnes communications conductrices, le courant électrique qu'il excite peut passer partout, avec assez de liberté.

  Je reviens souvent, et j'insiste, sur cette dernière condition, parcequ'elle est essentielle, pour toutes les expérienes où il s'agit d'obtenir des effets bien sensibles sur notre corps, soit des commotions dans les membres, soit des sensations dans les organes des sens.  Il faut donc, que les conducteurs non-mélalliques qui entrent dans le cercle, soient des bons conducteurs autant que possible, bien imbibés (s'ils ne sont pas des liquides eux-mêmes) d'eau, ou de quelque autre fluide plus conducteur que l'eau pure; et il faut, outre cela, que les surfaces bien humides, par lesquelles ils communiquent avec les conducteurs métalliques, et sur-tout entr'eux,soient assez larges.  La communication doit seulement étre retrecie, ou réduite à un petit nombre de points de contact, là où l'on veut concentrer l'action électrique sur une partie des plus sensibles du corps, sur quelques nerf des sens, &c. comme je l'ai déjà fait remarquer, à propos des expériences sur le tact, savoir, des éxperiences par lesquelles on excite des douleurs aigues dans différentes parties.   Ainsi donc, la meilleure manière que j'ai trouvée, de produire sur la langue toutes les sensations décrites, est, d'appliquer son bout contre l'extrémité pointue (qui ne le soit pas pourtant trop) d'une verge métallique, que je fais communiquer convenablement, comme dans les autres expériences, à une des extrémités de mon appareil, et d'établir un bonne communication de la main, ou, ce qui est mieux, des deux mains ensemble, avec l'autre extrémité. Cette application du bout de la langue au bout de la verrge métallique, peut, au reste, ou exister déjà, lorsqu'on va faire l'autre communication pour completer le cercle, (lorsqu'on va plonger la main dans l'eau du bassin,) ou se faire aprês l'établissement do cette communication, pendant que la main se trouve plongée; et, dans ce dernier cas, je crois sentir la piqûre et la secousse dans la langue, un tant-soit-peu avant le veritable contact.  Oui, il me paroit toûjours, particulièrement si j'avance peu-à-peu le bout de la langue, que lorsqu'il est arrivé à une très-petite distance du métal, le fluide électrique, (je voudrois presque dire l'étincelle,) franchissant cet intervalle, sélance pour le frapper.

 A l'égard du sens de la vue, que j'avois aussi découvert pouvoir étre affecté par le foible courant du fluide électrique, procédant du contact mutuel de deux métaux differents, en général, et en particulier d'une piéce d'argent avec une de zinc, je devois m'attendre, que la sensation de lumière excitée par mon nouvel appareil, seroit plus forte, à measure qu'il contiendroit un plus grand
nombre de piéces de ces métaux; chaque couple desquels, arrangées comme il faut, ajoute un dégré de force au dit courant électrique, comme toutes les autres expériences le montrent, et notamment celles avec l'électrometre, aidé du condensateur, que j'ai seulement indiqueés, et que je décrirai ailleurs. Mais je fus surpris de trouver, qu'avec 10, 20, 30 couples et davantage, l'éclair produit ne paroissoit ni plus long et étendu, ni beaucoup plus vif, qu'avec une seule couple. Il est vrai, cependant, que cette sensation de lumière foible et passagère, est excitée par un tel appareil plus aisément, et de plusieurs manières.  En effet, pour réussir avec une seule couple, il n'y a, à-peu-près, que les manières suivantes; savoir, ou qu'une des piéces metalliques soit appliquée au bulbe même de l'oeil, ou à la paupière, bien humectée, et qu'on la fasse toucher à l'autre métal appliqué à l'autre oeil, ou tenu dans la bouche, ce qui donne le plus bel éclair; ou, qu'on empoigne cette second piece métallique, avec la main bien humectée, et qu'on la porte au contact de la première ; ou enfin, qu'on applique ces deux lames à certaines parties de l'intérieur de la bouche, en les faisant aussi communiquer entr'elles.  Mais, avec un apparell de 20, 30 couples, &c. on produit le même éclair, en appliquant un bout d'une lame ou verge métallique, qui soit en communication avec une des extremités de cet appareil, tandis que d'une main on communique convenablement avec l'autre extremité; en appliquant, dis-je, ou faisant toucher à cette lame, non seulement l'oeil, ou quelque partie que se soit de a bouche, mais le front, le nez, les joues, les levres, le menton, et jusqu'à la gorge ; en un mot, toutes les parties et points du visage, qu'on doit seulement avoir bien humectés, aVant de les porter au contact de la lame métallique.   Au reste, la forme, comme la force, de cette lumière passagère qu'on appercoit, varie un peu, en variant les endroits de la face sur lesquels on porte l'action du courant électrique; si c'est sur le front, par exemple, cette lumière est médiocrement vive, et paroit comme un cercle lumineux, sous laquelle figure elle se présente aussi dans plusieurs autres essais.

  Mais la plus curieuse de toutes ces expériences, est de tenir la lame métallique serrée entre les levres, et en contact du bout de la langue; puisque, lorsqu'on vient ensuite completer le cercle, de a manière convenable, on excite à la fois. si l'appareil est suffisamment grand, en bon ordre, et le courant électrique assez fort et en bon train, une sensation de lumière dans les yeux, une convulsion dans les levres, et même dans la langue, une piqûre douloureuse sur son bout, suivie enfin de la sensation de saveur.

  Je n'ai plus qu'à dire un mot sur l'ouie.  Ce sens, que j'avois inutilement cherché à exciter avec deux seules lames métalliques, quoique les plus actives entre tous les moteurs d'électricité, savoir, une d'argent, ou d'or, et l'autre de zinc, je suis enfin parvenu à l'affecter avec mon nouvel appareil, composé de 30 ou 40 couples de ces métaux.  J`ai introduit, bien avant dans les deux oreilles, deux espèces de sondes ou verges métalliques, avec les bouts arrondis; et je les ai fait communiquer immédiatement aux deux extrémités de l'appareil.  Au moment que le cercle a été ainsi complété, J'ai reçu une secousse dans la tête; et, quelques moments après, (les communications continuant sans aucune interruption,) j'ai commencé à sentir un son, ou plutôt un bruit, dans les oreilles, que je ne saurois bien définir; c'étoit une espèce de craquement à secousse, ou petillemont, comme si quelque pâte ou matière tenace bouillonnoit. Ce bruit continua sans relâche, et sans augmentation, tout le tems que le cercle fut complet, &c.  La sensation désagréable, et que je craignis dangereuse, de la secousse dans le cerveau, a fait que je n'ai pas repété plusieurs fois cette expérience.

  Reste le sens de l'odorat, que j'ai tenté jusqu'ici inutilement, avec mon appareil.  Le fluide électrique, qui, mis en courant dans un cercle complet de conducteurs, produit dans les membres et parties des corps vivants qui se trouvent comprises dans ce cercle, des effets correspondants à leur excitabilité; qui, stimulant particulièrement les organes ou nerfs du tact, du goût, de la vuë, et de l'ouie, y excite quelques sensations propres à chacun de ces sens, comme nons avons trouvé, ne produit, dans l'intérieur du nez, qu'un picotement plus ou moins douloureux, et des commotions plus ou moins étendues, selon que le dit courant est plus ou moins fort.  Et d'où vient donc, qu'il ne excite aucune sensation d'odeur, quoiqu'il arrive, comme il paroit, à stimuler les nerfs de ce sens ?   On ne peut pas dire, que la fluide électrique, par lui-même, ne soit pas propre à produire des sensations odorantes; puisque, lorsqu'il se repand dans l'air, en forme d'aigrettes, &c. dans les expériences ordinaires des machines électriques, il porte au nez une odeur très-marquée, ressemblante à celle de phosphore.  Je dirai donc, avec plus de resemblance, et sur un fondement d'analogie avec les autres matières odoriférantes, qu'il faut justement qu'il se repande dans l'air, pour exciter l'odorat; qu'il a besoin, comme les autres effluves, du vehicule de l'air, pour affècter ce sens de la manière propre à y faire naître les sensations d'odeur.  Or, dans les expériences dont il est question, c'est-à-dire, du courant électrique dans un cercle de conducteurs tous contigus, et sans la moindre interruption, cela ne peut absolument avoir lieu.

  Tous les faits que j'ai rapporté dans ce long écrit, touchant l'action que le fluide électrique, incité et mu par mon appareil, exerce sur les differentes parties de notre corps, que son courant envahit et traverse ; action, qui, au surplus, n'est pas momentanée, mais soutenue et durable pour tout le tems que, les communications n'étant point interrompues, ce courant suit son train ; action, enfin, dont les effets varient suivant la différente excitabilité de ces parties, comme on a vu ; tous ces faits, déjà assez nombreux, et d'autres qu'on pourra encore découvrir, en multipliant et variant less expériences de ce genre, vont ouVrir un, champ assez vaste do reflexions, et des vuës, non seulement curieuses, mais intéressantes particulièrement la médecine. Il y en aura pour occuper l'anatomiste, le physiologiste, et le practicien.

  On sçait, par l'anatomie qui en a été faite, que l'organe électrique de la torpille, et de l'anguille tremblante, consiste en plusieurs colonnes membraneuses, remplies d'un bout à l'autre d'un grand nombres de lames ou pellicules, en forme de disques très-minces, couchées les unes sur les autres, ou soutenues à de très~petits intervalles, dans lesquels coule, comme il paroit, quelque humeur.  Or, on ne peut pas supposer, qu'aucune de ces lames soit isolante, comme le verre, les resines, la soye, &c. et moins encore, qu'elles puissent, ou s'électriser par frottement, ou être disposées et chargées à la maniere de petits tableaux Frankliniens, ou de petits electrophores; ni même, qu'elles soient d'assez mauvais conducteurs pour faire l'office d'un bon et durable condensateur, comme l'a imaginé Mr. Nicholson.  L'hypothése de ce savant et laborieux physicien, par laquelle il fait de chaque paire de ces pellicules, qu'il voudroit comparer à des feuilles de talc, autant de petits électrophores ou condensateurs, est, à la vérité, très-ingenieuse ; c'est peut-étre ce qu'on a imaginé de mieux pour l'explication des phénomènes de la torpille, en Se tenant aux principes et loix connues jusqu'ici en électricité.  Mais, outre que le mécanisme par lequel devroit s'opérer, pour chaque coup que ce poisson voudroit donner, la séparation respective des plateaux, de tous ou d'un grand nombre de ces électrophores ou condensateurs ; devroient, dis-je, s'opérer toutes ces séparations à la fois, et s'etablir, d'un côté, une communication entr'eux de tous les plateaux électrisés en plus, et, de l'autre côté, une communication de tous ceux électrisés en moins, comme le veut Mr. Nicholson; outre que ce mécanisme très-compliqué paroit trop difficile, et peu naturel; outre que a supposition d'une charge électrique, originairement imprimée, et si durable, dans ces pellicules faisant l'office d'electrophores. est tout-à-fait gratuite; une telle hypothése tombe entièrement, vu que ces pellicules de l'organe de la torpille ne sont, et ne peuvent être, aucunement isolantes, ou susceptibles d'une veritable charge électrique, et moins encore capables de la retenir. Toute substance animale, tant qu'elle est fraiche, entourée d'humeurs et plus ou moins succulente elle-même, est un assez bon conducteur: je dis plus; bien loin d'être aussi cohibente que les resines, ou le talc, aux feuilles duquel Mr. Nicholson cherche à comparer les pellicules dont il est question, il n'y a point, comme je me suis assuré, de substance animale vivante, ou fraiche, qui ne soit meilleur dèfèrente que l'eau,excepté seulement la graisse, et quelques humeurs huileuses.  Mais, ni ces humeurs, ni la graisse, sur-tout à demi fluide, ou fluide entièrement, comme elle se trouve dans les animaux vivants, peut recevoir une charge électrique, à la manière des lames isolantes, et la retenir; d'ailleurs, on ne trouve pas, que les pellicules et les humeurs de l'organe de la torpille soient graisseuses ou huileuses. Ainsi donc, cet organe, formé uniquement de substances conductrices, ne peut être rapporté, ni à l'électrophore ou condensateur, ni à la bouteille de Leyde, ni à une machine quelconque excitable, soit par frottement, soit par quelque autre moyen capable d'électriser des corps isolants, qu'on a toujours crus, avant mes découvertes, les seuls originairement électriques.

 A quelle électricité donc, a quel instrument, doit-il être comparé, cet organe de la torpille, de l'anguille tremblante, &c. ?  à celui que je viens de construire, d'après le nouveau principe d'électricité que j'ai découvert il y a quelques années, et que mes expériences successives, sur-tout celles qui m'occupent maintenant, ont si bien confirmé, savoir, que les conducteurs sOnt aussi, dans certains cas, moteurs d'électricité, dans le cas du contact mutuel de ceux de différente espèce, &c. à cet appareil, que j'ai nommé organ électrique artificiel, et qui, étant dans le fond le même que l'organe naturel de la torpille, le ressemble encore pour la forme, comme j'ai déjà avancé.


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